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(Bilan) Rattrapage automnal australien : Deep Water (2016)

Publié le 13 janvier 2017 par Jfcd @enseriestv

Deep Water est une nouvelle minisérie de quatre épisodes qui a été diffusée du 5 au 14 octobre sur les ondes de SBS en Australie. L’action se déroule dans Sydney et ses environs alors que les détectives Tori Lustigman (Yael Stone) et Nick Manning (Noah Taylor) sont dépêchés sur une scène de crime assez sanglante. Difficile de tirer des conclusions sur ce meurtre au départ, mais lorsque d’autres sont victimes du même genre de traitement et qu’ils ont tous été contactés par un homme anonyme via le réseau social Thrustr qui favorise les rencontres amoureuses et surtout sexuelles entre gays, le doute n’est plus permis. Dès lors, l’enquête ne cessera de prendre de l’ampleur et deviendra même personnelle pour Tori. S’il y a une série internationale qu’il faut mettre à son agenda de rattrapage télé, c’est bien Deep Water. Au-delà d’une enquête bien ficelée à la whodunnit, ce sont les constants allers-retours entre le passé et le présent de la cause homosexuelle en Australie qui devrait intéresser un public plus large, puisqu’il s’agit en somme d’un seul et même combat planétaire.

(Bilan) Rattrapage automnal australien : Deep Water (2016)

Meurtres sous le soleil

Dès le départ, la mission est compliquée pour Tori et Nick en raison de l’origine musulmane de sa victime. La famille n’était même pas au courant qu’il préférait les hommes et cesse toute collaboration avec eux. C’est aussi difficile d’obtenir le témoignage d’Haris (Julian Maroun), le petit copain du défunt qui fuit la police en raison de son statut d’immigrant illégal. Par contre, à la suite d’un autre meurtre perpétré dans des circonstances similaires, le duo tombe sur certains indices les amenant à questionner Kyle Hampton (Craig McLachlan), un riche propriétaire de bars et Christopher Toohey (Ben Oxenbould), une légende locale du football qui dans le passé ont commis plusieurs crimes homophobes, mais qui n’ont jamais été arrêtés. Un paradoxe qui n’étonne plus personne, ce dernier n’est jamais sorti du placard et est lui aussi retrouvé quelques jours plus tard assassiné. Toujours est-il qu’en se penchant sur des crimes survenus dans les années 80 et 90, Tori en vient à remettre en question la thèse officielle de la police comme quoi son frère Shane (Kevin Godfrey) qui était lui aussi homosexuel se serait noyé à cette époque. Au cours du dernier épisode, le tueur se fait de plus en plus menaçant depuis qu’il est entré en contact avec Oscar (Jeremy Lindsay Taylor), le meilleur ami de Tori et ancien amant de Shane.

Parmi les meilleures séries d’enquêtes policières des dernières années, il semble que les plus poignantes se situent presque toujours dans des petits villages comme dans Broadchurch, Secret & Lies, Ennemi Public, La Trève ou Glue. La découverte par des détectives de secrets des habitants qui croient tous se connaître les uns les autres forment un filon intéressant à quoi s’ajoute un volet plus émotif vers la finale alors que le tueur est inévitablement un proche de la victime. Ce qu’il y a d’intéressant avec Deep Water est qu’elle prend une approche assez différente, mais pour en arriver au même (excellent) résultat. Sidney est une grande ville et jamais nous ne connaissons ou n’apprenons à connaître les victimes et leurs proches. C’est que ces dernières vivaient pour la plupart dans le mensonge, ce qui a bien évidemment facilité la tâche du tueur, lequel n’est pas non plus une connaissance de Tori ou Nick contrairement aux autres séries nommées ci-haut. Les homosexuels ne formant pas une famille au sens traditionnel du terme, c’est à peine si l’on voit des proches pleurer leur décès, ce qui est aussi symptomatique d’une culture d’isolement forcé, en tout cas au niveau des victimes.

(Bilan) Rattrapage automnal australien : Deep Water (2016)

Au niveau de la mise en scène, cela donne aussi un contraste intéressant avec ces protagonistes qui sont à 90 % homosexuels, ce qui est rarissime dans une série destinée à un grand public. En effet, on les voit d’une part s’afficher au grand jour sur ces magnifiques plages environnant Sydney, à moitié dénudés et avec des corps sculptés au scalpel. D’autre part, on a ces lieux sombres où ils se donnent rendez-vous pour du sexe et auxquels les meurtres se succèdent. En fait, c’est justement cette ambiguïté intéressante que l’on exploite dans Deep Water : une catégorie de la société qui officiellement est reconnue et protégée par les lois, mais qui pourtant traîne avec ou malgré elle cette hantise reliée à ses persécutions d’un passé pas si lointain.

« Nobody cared back then, why now? »

(Bilan) Rattrapage automnal australien : Deep Water (2016)
C’est la phrase que prononce l’un des suspects à Tori lorsqu’elle le questionne sur son passé criminel. En effet, Deep Water met habilement en lumière un côté de l’histoire des droits humains en Australie peu reluisant. Comme un peu partout dans le monde, les gays vers la fin des années 70 se sont de plus en plus affichés ouvertement comme tel, mais ces actes de bravoure ont aussi occasionné des attaques homophobes peu ou pas réprimandés par la police. D’ailleurs, environ 80 meurtres d’homosexuels ont été perpétrés dans ces années rien que dans la partie Est de Sydney sans que les criminels n’aient été arrêtés. « C’était l’époque » nous diront certains, mais lorsqu’on pense par exemple à la chasse aux nazis qui s’est continuée bien longtemps après la Deuxième Guerre mondiale, le fait que ces criminels « d’antan » se retrouvent libres comme l’air a quelque chose de révoltant.

D’un autre côté, malgré les apparences, Deep Water se montre très critique par rapport au présent. Miranda Dear et Darren Dale, les producteurs de la série confiaient récemment en entrevue leur étonnement du fait que les crimes homophobes encore maintenant n’intéressent que trop peu les médias. À leur manière, ils abordent ce sujet sous plusieurs angles. D’abord du point de vue d’Haris qui redoute d’être déporté en Iran, son pays d’origine, au point de commettre l’irréparable. Ensuite, de celui de Don (Geoff Morrell), le père de Tori qui ne veut rien entendre quant à la « présumée » homosexualité de son défunt fils. Sinon, il y a cet acte de violence à la fin de la série qui se déroule… le même jour que la gay pride de Sydney : comme quoi il reste beaucoup de chemin à faire.

En tous les cas, Deep Water a fait le sien puisqu’en plus de la diffusion de la série, elle a aussi présenté le documentaire Deep Water : The Real Story ainsi que la troisième saison d’un podcast portant sur la question. Côté cotes d’écoute, le premier épisode a rallié 512 000 téléspectateurs, ce qui constitue un réel succès pour la chaîne. Par chance, la série pourra se trouver de nouveaux adeptes puisqu’elle est aussi sur Acorn.tv, le site de vidéo sur demande disponible partout dans le monde.


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