Tandis que les institutions financières tendent à s'installer sur les réseaux sociaux, Deutsche Bank, échaudée par les presque 14 milliards de dollars d'amendes et sanctions diverses dont elle a écopé depuis 2008, interdit purement et simplement à ses employés tout accès aux SMS et aux messageries instantanées, selon Bloomberg.
Une note interne envoyée par la directrice de la réglementation et le directeur des opérations est on ne peut plus claire : faute de pouvoir enregistrer et archiver les messages échangés par ces moyens de communication, les messageries SMS, WhatsApp, Google Talk, Apple iMessage seront interdites et verrouillées (?) dans le courant de ce trimestre sur tous les mobiles fournis par l'entreprise ainsi que, le cas échéant, sur les téléphones personnels utilisés à des fins professionnelles.
La mesure semble extrêmement drastique et suscite à la fois incrédulité et suspicion, surtout lorsqu'elle est justifiée, sans nuance, par une exigence de conformité réglementaire et légale. Sans avoir tous les éléments en main, je doute que les textes en vigueur proscrivent, directement ou non, l'utilisation de moyens de communication aussi banalisés que le SMS ou aussi répandus que WhatsApp. Dans le cas contraire, on déplorera une approche déconnectée du monde contemporain de la part des autorités.
L'autre hypothèse, plus réaliste (et, d'ailleurs, plus ou moins explicitement évoquée par Bloomberg) est qu'il s'agit essentiellement d'une opération de communication destinée uniquement à restaurer la confiance. Mais, dans ce cas, confiance de qui ? Si l'objectif est de convaincre les régulateurs, il est peu probable que le geste soit suffisant pour éviter des poursuites à l'avenir. En revanche, si la cible visée est plutôt celle des clients (et/ou des actionnaires), il est à craindre un violent retour de manivelle…
Il suffit d'imaginer les réactions de ces derniers (particuliers ou professionnels) à l'impossibilité soudaine de communiquer avec leur banque via des outils qui font désormais partie du quotidien d'une population de plus en plus étendue ! Et l'argument de la réglementation risque de les laisser froids, quand ils se rendront compte que les concurrents de Deutsche Bank n'ont pas de telles restrictions et que certains sont même dans une démarche d'ouverture aux relations client sur les médias sociaux.
En outre, selon toute vraisemblance, l'effet de la mesure sur les collaborateurs (eux-mêmes peu dupes de l'argument réglementaire) sera également sensible, en dépit des excuses qui leurs sont adressées préventivement pour l'impact qu'elle aura sur leur travail habituel. Il ne faut pas négliger le danger qu'elle soit perçue comme une marque de défiance de la direction générale vis-à-vis de ses effectifs « de base ». À l'extrême, les conséquences sur la motivation des troupes peuvent s'avérer désastreuses…
Comme il arrive trop souvent dans les grands groupes, la réglementation sert ici de justification opportuniste à un choix de facilité (réfléchir à une solution « intelligente » demande certes plus d'efforts qu'une interdiction sommaire). En l'occurrence, sauf tentative de suicide de la banque, il paraît douteux que sa position soit tenable longtemps… Il lui faudra alors revenir à la raison et trouver le moyen de répondre simultanément aux enjeux de conformité et aux attentes des clients et des collaborateurs.