Il court, il court le furet
Le furet du bois, mesdames,
Il court, il court le furet
Le furet du bois joli.
Il est passé par ici
Le furet du bois, mesdames
Il est passé par ici
Le furet du bois joli.
Il court, il court, le furet
Le furet du bois, mesdames,
Il court, il court, le furet
Le furet du bois joli.
Il repassera par là
Le furet du bois, mesdames
Devinez s'il est ici
le furet du bois joli.
Il court, il court le furet
Le furet du bois, mesdames,
Il court, il court le furet
Le furet du bois joli.
Le furet est bien caché
Le furet du bois, mesdames,
Pourras-tu le retrouver ?
Le furet du bois joli.
C'est mignon hein...
Cette petite chansonnette qu'on a fredonné dans notre jeune temps, quand on faisait la ronde dans la classe de moyenne section de Madame Michu...
Cette petite chansonnette qu'on a, pour certains d'entre-nous, appris à nos enfants tout à fait innocemment...
Oui hein... C'est mignon...
Alors au risque de salir un peu vos souvenirs d'enfance et/ou de ternir votre image de parent idéal, je me dois de rétablir la vérité :
Non cher PCPLien il n'est nul furet qui court par-ci-par-la, nul furet qui joue à cache-cache dans un bois, si joli soit-il...
Tout ceci n'est quecontrepèterie !
" Il court, il court le furet " fait en réalité référence à un personnage historique qui ne marqua pas vraiment la postérité; et pourtant il aurait pu : Guillaume Dubois, Principal Ministre de la Régence de Philippe d'Orléans (1715-1723, en attendant que Louis XV soit grand).
Qui es-tu Guillaume Dubois ?
Le petit Guillaume nait en 1656 à Brive la Gaillarde, d'un papa docteur en médecine et d'une maman qui devait être une bien bonne dame (ce qui revient à dire qu'on ne sait rien d'elle !)
2ème enfant d'une fratrie de 4, Guillaume est destiné à une carrière religieuse et bien qu'il soit un brillant élève des frères de la doctrine chrétienne, les bondieuseries c'est pas vraiment son fort.
Il se raconte qu'il était plutôt tendance garnement : du genre à verser du laxatif dans les marmites de la cantine et à s'encanailler avec les servantes alors qu'il est à peine pubère.
Mais les voies du seigneurs sont impénétrables et Guillaume se laisse pousser la tonsure.
A 16 ans, il obtient une bourse et monte à Paris poursuivre sa formation au collège Saint-Michel où il est remarqué par le directeur de l'établissement : l'Abbé Antoine Faure, qui est un de ces abbés de Cour et de Salon qui s'accommodent mal des rudesses de la Maison de Dieu.
(on parlera plus tard de " lignée occitane de grands prélats semi-libéraux " qui incluait également le célèbre Abbé Bernis)
Faure obtient dès lors pour son petit protégé le poste de précepteur du jeune Philippe, duc de Chartres, futur duc d'Orléans, neveu de Louis XIV.
C'est d'ailleurs en sa qualité de précepteur que Dubois sera chargé en 1692, comme le rapporte Saint Simon, de convaincre le duc de Chartres d'épouser Mademoiselle de Blois (fille naturelle légitimée de Louis XIV et de Mme de Montespan) malgré les vives réticences de sa mère, la sulfureuse Princesse Palatine.
(que si t'as jamais lu les morceaux choisis de la correspondance de la Palatine, je t'invite à le faire en cliquant sur son portrait là à droite.... ça vaut le détour ! )
Réussite récompensée par l'obtention de l'abbaye de Saint Just en Picardie.
Guillaume Dubois, devient alors l'Abbé Dubois, un maillon de la diplomatie secrète, notamment avec l'Angleterre, souvent employé par Louis XIV.
Mais c'est sous la Régence de ecelui qui fut son petit élève, Philippe d'Orléans, que l'Abbé Dubois se révèle vraiment fin politicien :
- Il plaide avec ferveur l'alliance avec l'Angleterre
- s'efforce de maintenir la paix interieure en ralentissant les persécutions faites au Protestants afin de rétablir la stabilité du régime et l'économie,
- négocie la Triple Alliance de 1717 pour contrer les projets de l'Espagne...
Jusqu'à devenir Ministre Principal de la Régence, obtenir un fauteuil à l' Académie Française et prendre la tête de l'Assemblée du Clergé.
En 1721, il est sacré Cardinal par Innocent XIII, alors qu' il n'a jamais célébré une messe !
Il ne porte la pourpre que deux ans et meurt en 1723 à Versailles.
Quid de " il court, il court le furet " ?
Si on s'en tient à l'aspect politico-diplomatique du bonhomme, on est en droit de se demander pourquoi Dubois fut la cible de quolibets (au delà du fait que dès que vous touchiez aux hautes sphères, vous étiez une cible potentielle)
C'est que l'Abbé avait une réputation sulfureuse !
Richissime grâce aux rentes de ces nombreuses abbayes (on parle de 10 millions de livres, soit près de 13 millions d'euros), il aurait graisser quelques pattes pour mettre les membres de sa famille à l'abri en les titrant et les dotant.
Mais c'est pas ça le pire !
Dubois, on l'a vu, était un " abbé de cour " : plus enclin au faste, à la bonne chair et au libertinage qu'à la prière et au jeûne !
Et au 18ème siècle, on plaisante pas avec ceux qui se prétendent Homme de Dieu !
S'il est notoire que l'Abbé Dubois entretenait relation avec une maitresse officielle (Madame de Tencin, une intellectuelle qui tenait salon, qu'on connait surtout pour être la mère de Jean d'Alembert, co-rédacteur de l'Encyclopédie avec Diderot), il n'était un secret pour personne qu'il aimait chasser la jeune chair de Versailles tant pour son plaisir personnel que pour s'assurer son maintien à la cour.
On l'accusa même de garder la main mise sur le Régent en l'abreuvant de maitresses fraiches comme le suggère cet aphorisme à propos de son élévation au rang de Cardinal :
" le pape est un fin cuisinier qui sait faire d'un maquereau un rouget. "
Cette petite chanson fut donc élaborée sur la base d'une contrepèterie afin de se moquer de cet Abbé Courtisan qui faisait voler sa robe par dessus les moulins et s'accommodait du vœu de chasteté dès qu'il en avait l'occasion !