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Interview de Arkane

Publié le 23 janvier 2017 par Paristonkar @ParisTonkar

Qui es-tu ?
Je m’appelle Arnaud De Jesus Goncalves, je me présente sous le nom de « Arkane » depuis  dix ans environ. Je suis originaire d’Avignon et installé sur Montpellier depuis 5 ans.

Interview de Arkane
Peux-tu te présenter en quelques lignes ?
J’ai grandi avec mon grand-père et je passais la plupart de mon temps au grenier de son garage automobile. J’y découvrais une faune et une flore incroyable, de poussières et de vieux biblos… J’ai orienté ma vie autour de l’art assez jeune, passionné de cinéma et de photographie ancienne : j’ai rapidement puisé mes références dans ces monuments qui me suivent encore aujourd’hui. J’ai poursuivi des études d’illustrations et j’ai ouvert en parallèle un collectif d’artiste || galerie sur Montpellier depuis 2 ans aujourd’hui.

Interview de Arkane
Interview de Arkane
Interview de Arkane

 
A quel moment as-tu découvert l’art dans la rue ?
Je devais avoir 10 ans. Avant de le considérer sur des murs, je l’ai réellement découvert derrière du papier glacé. J’achetais chaque mois ma dose de Blazing, Innercity, Graffbombz, All stars… Une gifle mensuelle qui m’a poussé de plus en plus à m’intéresser à cet art avec lequel je n’avais encore aucun lien, si ce n’est une attraction inexplicable.

Interview de Arkane
Interview de Arkane
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Est-ce que cela t’a donné envie de faire la même chose ?
Je ne savais pas par où commencer, mais c’était une évidence. Au delà du sujet, des couleurs, du perso ou du lettrage, j’étais impressionné par le process. Je me représentais le graffiti comme une scène, où un personnage avec une motivation obscure, se retrouvait à évoluer dans un cadre qui était la réalité. Je me demandais alors mais pourquoi ? Comment ? Où !? J’étais intimidé par ces types, sans même les connaître.

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Quand as-tu commencé à pratiquer ton art et pourquoi ?
J’ai commencé sur Avignon, au parking des italiens. J’étais le petit jeune de la bande qui n’était pas capable de faire un trait net,. Toujours avec beaucoup d’audace, j’expérimentais… J’étais soutenu par une fine équipe, je participais à des jams avec le shop Keep Fire qui se chargeait «d’organiser» tout ça. Le principal, c’était de ne pas oublier les saucisses et les merguez – J’en place une pour Goumy. A l’époque, quand j’apprenais à peindre, il y avait à mes côtés Polo, Pablito Zago, RNST, Goddog et bien d’autres… J’ai été bien entouré et leur motivation a été contagieuse.

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Est-ce un passage obligé dans ta création artistique ?
Obligatoire je ne pense pas, je me dis que j’aurais eu une autre identité si je n’avais pas connu ce milieu… Avant de découvrir le graffiti, j’avais la peinture et la photographie dans le viseur. Au final, ces pratiques se sont agencées et équilibrées au fil des années. Je n’arrivais pas à choisir, j’ai décidé de ne pas le faire.

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Peux-tu nous expliquer ta pratique et nous en dire plus sur les techniques que tu mets en œuvre pour créer ?
Avant de peindre avec des sprays, j’ai passé beaucoup de temps devant des toiles au pinceau. J’ai appris des notions clefs, j’ai découvert mes facilités, mes faiblesses. J’ai commencé ma première série à peu-près solide autour du cinéma, dans des teintes passéistes. Mes lacunes en couleur ont dirigé ces études de portrait. J’ai découvert la couleur récemment et le graffiti m’a aidé à la comprendre. Je travaille sur bois ces derniers temps : supports convoités des graffeurs et artistes en tout genre – c’est tellement bien, que je me dis que c’est pas pour rien. J’ai lancé la série MOTEL sur ce support, principalement sur des vieux volets… C’est le côté voyeur et intrusif qui m’intéressait :
narration subtile et parfois décousue, lumière et cadrage sont mis au service d’un travail charnel autour de l’exploration de la violence, des angoisses et du tabou. C’est la découverte en 2010 d’un genre cinématographique, qui a dirigé ces orientations. Une éloge des séries B et du « Giallo »  articulé autour d’une tonalité sombre et poétique. A côté de ça je pratique les procédés anciens de la photographie (époque pictorialiste ) : ça m’a appris la discipline, la rigueur, la patience – j’ai mon labo dans la salle de bain, les aérosols dans l’entrée. Pas le temps de s’ennuyer !

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Que penses-tu du graffiti ?
Je pense que c’est une suite logique à des millions d’années d’expression. La première forme de graffiti remonte à l’art pariétal, revenir aujourd’hui au second millénaire sur une expression libre, c’est à la fois un échos au passé et une forme de révolte. Adulé par certain et détesté par d’autres, une chose est sûre c’est qu’il provoque une sensation et que son existence est indéniable. On sort d’un XIXe et XXe siècle ultra chargés en terme d’évolution, tout s’est accéléré depuis l’arrivée de la photographie. Un nouveau souffle a balayé la peinture et son histoire, la place de l’artiste et sa manière de représenter le monde ; le graffiti est le prolongement de cette évolution. Il est précédé par des mouvements et des artistes qui lui ont donné naissance. Aujourd’hui, certains tentent de l’éduquer et d’autres sont accrochés à l’esprit de liberté qu’il véhicule. Les deux points de vue sont légitimes, selon moi.

Interview de Arkane

La médiatisation importante du street art depuis quelques années te semble-t-elle bénéfique ou pas ?
Reste à savoir pour qui. L’artiste, le public, son galeriste, le marché de l’art ? Je ne me pense pas capable de répondre clairement à cette question, beaucoup de paramètres entrent en jeu. C’est une boucle close et j’ai beaucoup de respect pour ceux qui refusent de rentrer dans ce schéma de médiatisation. Les anti-conformistes sont animés par une pulsion animale. Que cherchent-t-ils si ce n’est la sensation d’excitation et l’adrénaline qu’apportent cette discipline ? Ou alors le sentiment d’appartenance à un groupe, une élite anarchiste qui en devient à l’inverse impénétrable. Cette médiatisation de masse en place certains dans l’ombre et d’autres dans une lumière aveuglante. Je pense que c’est une dualité qui a toujours existé, mais d’autant plus aujourd’hui depuis la démocratisation de cet art qui se voulait « hors des cimaises ».

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As-tu montré ton art à l’étranger ?
Oui, j’ai eu le plaisir de rencontrer un bonhomme lors d’une conférence de Street Art sur Avignon il y a quelques années. Un certain Eric Maréchal, qui m’a rapidement pris sous son aile et motivé pour ses projets. Un passionné, avec une énergie débordante… Je lui faisais parvenir mes peintures par colis, il les embarquait ensuite dans sa valise et les collait dans le monde entier aux côtés d’innombrables artistes. On va dire que c’était ma principale connexion avec l’étranger. Je remercie également mon ami Ramesh qui a pu amener mon travail en Inde. De mon côté, le peu de voyage que j’ai pu faire, j’ai toujours peint ou collé mes travaux. Quelques pays de l’Est, l’Islande, le Portugal et les pays frontaliers.

As-tu exposé en galerie ?
Oui, ma première exposition solide remonte à 2013 à Villeneuve-lez-Avignon. Depuis, je jongle en exposant quelques pièces à droite à gauche dans des petites galeries, rien de fou : faute de temps, je n’ai pas pu me consacrer à une nouvelle série aboutie de A à Z. C’est l’objectif de 2017.

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Est-ce que tu vis de ton art ?
Modestement, mais je vis de mes mains, oui. Il y a 60% de projets alimentaires (commandes) contre 40% projets persos. C’est un luxe incroyable, d’avoir ce sentiment de liberté matin et soir et de ne dépendre de personne si ce n’est de soi. Mais ça demande beaucoup de rigueur, vu les rentrées d’argent aléatoires j’ai appris à ne pas être très dépensier aussi. Sauf quand un fusible grille et que je plaque une somme astronomique en cash pour un appareil photo poussiéreux.

Interview de Arkane
Peux-tu nous donner quelques anecdotes ou des événements bizarres qui te sont arrivés ?
Il y a un mois exactement, c’était ma première, et dernière session sous la pluie. On est descendu dans le Verdanson : une idée débile effectivement mais la volonté de peindre était plus forte. Mes rangers se gorgeait de flotte jusqu’à ce que je finisse par ne plus sentir mes pieds. Ça pleuvait depuis 2 jours, c’était le 20 décembre dernier  le canal s’était rempli mais rien de bien dangereux, juste un inconfort total. Nous l’avons donc traversé les tibias dans l’eau jusqu’à rejoindre un espace de terre ferme, qui nous permettait de prendre environ 2 mètres de recul avant d’arriver à l’eau. Pas génial, mais ça va. Il y avait une espèce de petite pluie arrogante. Avant chaque trait, on devait passer un coup de serviette sur le mur. Elle s’est rapidement imbibée d’eau donc à la fin on y allait avec nos manches. C’était un sacré cirque. D’autant plus que pour revenir 30 minutes en arrière, j’avais pris ce que je pensais être un seau de peinture blanche pour le fond. On voulait le taper à la fin pour que ça coule sur la pièce, mais en vérité je l’ai confondu chez moi et j’ai transporté pendant 500 mètres de flotte dans le Verdanson, un seau de 25 kilos de plâtre. #grossesession

Un dernier mot…
Big up à Primal, mon équipier avec qui nous avons fondé il y a deux ans l’Atelier Triptyque
Un bisou à Spleen même si il m’a bien foutu les boules lors de notre dernière session à Lausanne (rires)…



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