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Quand l’Hôtel de Ville de Reims était aussi bibliothèque et musée

Publié le 01 février 2017 par Cantabile @reimsavant

Jean-Jacques Valette, pour l'association ReimsAvant, a acheté voici quelques années des photos sur plaques de verre, à cause de leur grande qualité mais sans les avoir encore bien étudiées. Le précédent propriétaire, Mr Herbert, ignorait qui pouvait être l'auteur de ces clichés exceptionnels. Ces images nous permettent de découvrir les étapes historiques du bâtiment qui fut la " Maison communale " avec ses salles de mariage et de conseil mais qui abrita également le musée et la bibliothèque et remplit aussi d'autres fonctions, de police notamment.

Au fil des ans, les bâtiments commencés au XVIIe siècle ont été complétés et ont donc permis d'accueillir des services diversifiés au service de la population. La dernière partie fut inaugurée en 1880. Les achats et les dons au musée et à la bibliothèque ont pu compléter les fonds anciens, accumulés petit à petit.

On peut admirer les magnifiques plafonds travaillés, les boiseries, les moulures, les ferronneries, les portraits, les statues, les peintures murales. Eugène Dupont nous rapporte dans sa chronique en date de 1880 que " le peintre Schutzemberger est chargé des panneaux décoratifs de la salle des mariages, à l'Hôtel de Ville, définitivement achevé. "Une mosaïque gallo-romaine de dimensions importantes et remarquablement conservée, avait trouvé place au fond de cette salle.

Pour la salle du Conseil, le même Eugène Dupont[1], ouvrier bonnetier témoin de la vie rémoise, nous indique que " le peintre Lematte (la) décorera avec, dans le cadre de quatre petits panneaux, les portraits de Nicolas Bergier (1567-1623), J-B Lévesque de Pouilly (1691-1750) , J-B Colbert (1619-1683) et Robert Nanteuil (1623-1678), tous les quatre glorieux enfants de Reims. "

La bibliothèque nous présente des collections importantes et sur un lutrin, un livre de grand format avec enluminures et notation manuscrite ancienne des notes de musique. Les " personnages " posent dans leurs différents " vêtements de travail "; sans doute du directeur-conservateur en costume au magasinier en blouse. Quels sont leurs noms ? Si nous connaissions la date des photos, il serait certainement possible de les retrouver.

Victor Diancourt, grand bibliophile et collectionneur champenois, légua environ 20000 ouvrages à sa ville natale en 1910. Amateur d'art, il y ajouta 500 œuvres pour le musée[2]. Une donation exceptionnelle ! Madame Pommery, " grande dame du champagne " et également collectionneuse avisée, a confié au musée dès 1892 un nombre important de céramiques. Quant aux peintures et sculptures, elles étaient nombreuses et remarquables en l'année 1900 selon le témoignage d'un journaliste russe qui, entre deux visites du Tsar Nicolas II, faisait un reportage documentaire sur la capitale champenoise : le visiteur, P Vojine, " admire la bibliothèque, la galerie de tableaux, le musée des sculptures dont il apprécie la richesse. "[3]

Les vues intérieures des salles consacrées au musée permettent de distinguer quelques statues connues de René de Saint-Marceaux : le célèbre " Arlequin ", " La Jeunesse de Dante " et " La Vigne ", symbole de la région du plus spirituel des vins qui rappelle le monument " La Vendange " qui accueille les visiteurs dans le hall d'entrée. Le large escalier, aux ferronneries remarquables, finement travaillées, présentant le combat expressif de dragons et serpents, mène au premier étage. Le palier rend hommage à Colbert au-dessus de la statue d'Orphée.

Certains de ces trésors ont pu échapper aux flammes allumées par les obus prussiens le 3 mai 1917. Une grande partie des collections (tableaux, sculptures, céramiques...) avait eu le temps d'être évacuée pour échapper à la proximité du front et des canons. Les ouvrages précieux de la bibliothèque également : 3000 des 20000 de la collection Diancourt - mais 17000 volumes ont quand même été dévorés par le feu ainsi qu'une grande quantité de livres d'époque et de journaux régionaux. Les céramiques de madame Pommery et la grand mosaïque de la salle des mariages ont pu être sauvés. La plupart des tableaux, sculptures... également. L'objet original en bronze qui présente un petit personnage sur une sorte de toboggan a échappé au désastre ; il est à retrouver au musée Saint-Remi. Un dessin nous éclaire sur son existence : c'est un fragment du pied d'un candélabre de Saint-Remi datant du XIIe siècle. Le croquis de Victor Charlier-Teutsch nous donne une idée de l'importance de ce candélabre avec le personnage, un moine, qui donne l'échelle et dont la taille nous fait évaluer celle de l'immense chandelier aux environs de 6 mètres !

Ce qui a pu échapper à l'enfer des bombardements est disponible en 2017 dans les différents musées de Reims - ce pied de candélabre - et à la bibliothèque Carnegie - l'un des 3000 ouvrages précieux de Diancourt ; il faut savoir apprécier ces témoins, plus nombreux et divers que les exemples que j'ai pu mettre en avant ici, qui ont failli disparaître mais la guerre nous a définitivement privés des beautés architecturales du bâtiment dénommé Hôtel de Ville. Ces trésors ont existé pour les yeux de nos concitoyens entre 1880 et 1917. Il nous en reste des photos sur plaques de verre, témoins visuels anonymes, conservés par des passionnés de notre histoire collective.

Février 2017

[1] Eugène Dupont (1859-1941) - Voir les 6 tomes de ses Mémoires édités par Jean-Yves Sureau, " La vie Rémoise " 1859-60, 1861-64, 1865-68, 1869-72, 1873-76 et 1877-80, chez J-Y Sureau 48, rue Clovis Reims.

[2] Victor Diancourt (1825-1910), sénateur et maire de Reims. Exposition à la bibliothèque Carnegie " Le goût des livres, Victor Diancourt, collectionneur champenois ", du 9 septembre au 10 décembre 2016.

[3] Reims 1800-1900, Daniel Pellus, Editions Fradet, 2003.

Déménagement des œuvres d'art dans le Cellier Mumm - Collection BDIC (Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine):


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