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Librairie : Aurélie SILVESTRE, Nos 14 novembre

Publié le 03 février 2017 par Mystika @Mystikate

Un livre qui bouleverse mes habitudes, et qui m’a bouleversée tout simplement. Pour la première fois j’ai lu d’une traite – moi qui aime prolonger au maximum les lectures qui me plaisent – mais il m’était tout simplement impossible de m’arrêter. J’ai plongé dans nos 14 novembre vendredi dernier entre 1h et 3h du matin, et n’ai cessé de verser des larmes.nos-14-novembre

Vous vous souvenez certainement d’Aurélie Silvestre : la jolie jeune femme blonde au rouge à lèvres rouge, enceinte de 5 mois de son deuxième enfant le jour où son amour absolu a été tué au Bataclan.

A chaque fois que je voyais des témoignages de survivants, de victimes ou de proches de victimes du 13 novembre, j’étais touchée. Mais à chaque fois que je voyais Aurélie Silvestre apparaître à l’écran, mes larmes apparaissaient immédiatement car je me projetais.

Il faut dire que les points communs sont bien là :

  • le même âge
  • maman d’un garçon et désormais d’une fille
  • amoureuse et heureuse en couple depuis plus de 10 ans
  • originaire de Grenoble

Ce témoignage est plein de pudeur, de sensibilité, de dignité mais aussi d’espoir. Aurélie Silvestre a fait front contre l’adversité, a continué à (sur)vivre pour son fils et a mené à bien sa grossesse. Elle a été très entourée, par sa propre famille et par celle de Matthieu, son amour assassiné.

Voici l’incipit :

  L’homme de ma vie et le père de mes enfants est mort sous les balles de terroristes. Je viens de passer une nuit avec cette nouvelle dont je ne sais que faire.

C’est le petit matin, je me rends au centre de crise de l’Ecole militaire, c’est là qu’on reçoit les familles. Mon fils dort encore, je pose ma main sur mon ventre pour sentir ma fille.

De la voiture, je vois le soleil se lever entre les rayons de la Grande roue place de la Concorde.

Je prends une photo.

Je me relève sur mon siège, je plaque mon visage sur la vitre de la fenêtre comme une enfant. Toute la beauté du monde n’a pas disparu.

Je me redresse encore un peu, j’essuie les larmes qui coulent sur mes joues. Les suivantes, ne sont déjà plus les mêmes, qui doucement font naître la décision la plus importante de ma vie : je vais vivre.

Ou plutôt : je vais continuer à vivre.

Je ne sais pas encore comment m’y prendre mais j’y mettrai toute mon énergie. Je lui dois bien ça, je nous dois bien ça.

Nous serons heureux.

Les phrases, les paragraphes et même les chapitres sont courts. Cela permet de reprendre sa respiration. Ca m’a rappelé Charlotte de David Foenkinos, où l’auteur a expliqué qu’il ne pouvait pas faire autrement que venir à la ligne à chaque phrase pour respirer tant ce qu’il écrivait était lourd à porter (mon article sur ce roman est ici).

Aurélie Silvestre raconte ce 13 novembre fatal, sa façon d’espérer voir Matthieu ouvrir la porte de l’appartement, puis l’annonce sans appel : « Matthieu est mort ». Elle fait revivre sous nos yeux leur histoire d’amour, leur rencontre dans un train entre Paris et Grenoble, l’annonce à son fils, sans euphémisme (et elle a eu raison), la célébration au funérarium de Grenoble, où je m’étais rendue quelques mois auparavant pour l’enterrement d’un être cher (d’où une nouvelle salve de larmes, moi qui pleure peu, même enceinte). Elle évoque aussi l’après : la résistance, le quotidien avec le manque, l’absence, le fait d’être « celle qui a perdu son mari » :

Il y a ceux qui veulent absolument me parler. Ceux qui se demandent comment je peux encore mettre du rouge à lèvres. Ceux qui changent de trottoir, ceux qui font comme si de rien n’était, ceux qui me regardent avec la tête penchée et un sourire en coin.

On m’observe.

Aux yeux des autres je suis devenue ce qu’on appelle une « victime ».

Cela me définit tout entière maintenant.

Je sais que désormais, dans les dîners en ville, je suis celle qu’on connaît qui a perdu son mari. On parle de moi, on parle de nous. L’anonymat est terminé. Tout le monde connaît mon histoire. Je commence à lire des choses sur Matthieu, sur nous. (…)

Pour le moment je suis une célébrité du drame.

Je ne peux que vous conseiller cette lecture qui donne envie de vivre encore plus intensément et de profiter de chaque instant. C’est une véritable leçon de (sur)vie qui permet de tout relativiser et de mettre de côté nos petits tracas du quotidien. Je ne vais pas vous dire que le style est incroyable, l’auteur n’est pas écrivain à la base, mais c’est écrit de manière simple, claire et limpide.

Voir aussi:

Revue littéraire : Chemins de Michèle LesbreLe vendredi c'est librairie : Et je danse, aussi de A-L Bondoux et J-C MourlevatLibrairie : La lettre de Queenie, Rachel Joyce

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