Six est une nouvelle série de… huit épisodes diffusée depuis le 18 janvier sur les ondes de History Channel aux États-Unis et au Canada. Ce chiffre fait référence à la SEAL Team Six, l’une des unités des forces armées américaines spécialisée en contre-terrorisme. Dans le récit, on y suit quelques militaires : Joe (Barry Sloane), Alex (Kyle Schmid), et Ricky (Juan Pablo Raba) qui font tout ce qu’ils peuvent pour sauver leur ami et ancien chef Richard « Rip » Taggart (Walton Goggins). C’est que celui-ci est tenu en otage au Nigéria par des musulmans fanatiques. L’action se déplace donc entre leurs missions dans le présent afin de retrouver sa trace et le passé où l’on peut constater le lien fort qui les unit tous. Série qui en principe n’a absolument rien à voir avec l’ADN de la chaîne qui la diffuse, Six nous représente involontairement bien l’étroitesse d’esprit des Américains lorsqu’il est temps de poser un regard sur quelque chose qui leur est étranger. Quant à ces défenseurs de la liberté, là aussi le portrait est peu flatteur.
Eux : méchant. Nous : gentils
Dans le premier segment, nous nous trouvons en Afghanistan avec les quatre amis qui sont en mission sous le commandement de Rip. Visiblement à bout de nerfs et allant même jusqu’à tuer un innocent, on effectue un saut de deux ans dans le temps alors qu’il travaille à son compte en tant que sous-traitant d’une sécurité privée au Nigéria. Or, un groupe de terroristes, les Boko Haram à la solde d’un certain Muttaqi le kidnappent, lui, une institutrice et ses écolières. L’un de leurs hauts dirigeants est Michael Nasry (Dominic Adams) dont le frère a été assassiné par Rip et celui-ci veut manifestement assouvir sa vengeance seul puisqu’il ordonne à ses mercenaires de la garder en vie. Entre-temps, Joe, Alex et Ricky ont regagné les États-Unis, mais le retour à la normalité, en famille pour plusieurs, ne se déroule pas sans heurts. Hommes de devoir, ils n’hésitent pas une seule seconde au deuxième épisode pour repartir en mission en espérant secourir Rip, et ce, bien qu’ils s’étaient séparés en de mauvais termes. L’entreprise échoue, mais ce n’est que partie remise après que les nouvelles locales diffusent un reportage où une demande de rançon est exigée en échange de leur ancien commandeur.
Les premières minutes de Six reflètent bien le genre de narration à l’américaine grand public. On y voit les soldats américains en train de riposter aux tirs ennemis, des explosions et évidemment, les balles de nos « héros » touchent souvent leur cible d’un seul coup. Puis, on a une femme afghane prisonnière dans une voiture qui explose. Rip est choqué. Rip n’a donc pas pu sauver la veuve et l’orphelin. Rip perd ses illusions et plus tard tue un civil afghan qui lui implore miséricorde. Manque de chance : son frère Michael qui était à côté de lui est maintenant dans les hautes sphères du groupe terroriste et est obsédé par la vengeance. Malgré des effets spéciaux assez bien réussis, tout ce à quoi l’on nous expose est aussi simplet que réducteur. Alors que les attentats se multiplient sur la planète, ici on tente de nous faire croire qu’un homme comme Michael a le temps et l’argent de mobiliser une armée afin de s’emparer de Rip pour une petite vendetta personnelle.
Qui plus est, on ne se donne même pas la peine de définir ses ennemis, qu’il s’agisse de ses buts ou des raisons qui les ont poussés à se rebeller contre les Américains (ou l’Occident). La seule fois on l’on tente d’aborder le sujet, c’est lorsque l’institutrice du Nigéria dit à Rip : « You are the problem here, not the solution. You steal our oil and exploit our people and tell us it’s for our own good. ». Puis on élude une quelconque réflexion là-dessus puisque quelques secondes plus tard, une bombe éclate et peu de temps après, une main est coupée et des viols sont sur le point d’être perpétrés. Les étrangers ne sont rien de plus que des fous furieux que les Américains doivent tuer pour le bien de l’humanité. Enfin, les flashbacks de nos militaires qui ont connu des coups durs par le passé pullulent. Imaginons à l’inverse qu’on ait fait de même en nous montrant l’amour fraternel entre Michael et son frère avant qu’il ne tombe sous les balles de Rip… mais non; la compassion ne semble être que dans un camp.
Un pour tous, tous pour un
Habituellement, l’un des reproches formulés à l’encontre d’une fiction est le peu de profondeur des personnages. Or, c’est un peu le contraire qui se produit pour Six. À un manque de nuances flagrant lorsqu’on est au Nigéria ou en Afghanistan, c’est l’inverse qui arrive de retour aux États-Unis au moment où l’on entre dans l’intimité des soldats… et ce n’est pas pour le mieux. C’est qu’ils sont chacun détestables à leur manière. Alex est traîné en cour par son ex-femme qui veut l’obliger à payer une pension alimentaire pour leur fille qui est presque une adulte alors qu’il nie même son existence. Du côté de Ricky, sa famille croule sous les dettes, mais il tient à être le seul pourvoyeur de la maison. Lorsqu’on lui offre un emploi très bien rémunéré, il se ravise à la dernière minute pour participer à une mission avec ses amis. Quant à Joe, lui et sa femme n’arrivent pas à enfanter et l’on a droit à une ennuyeuse scène d’environ 5 minutes où il doit donner un échantillon de sa semence pour qu’elle soit analysée au laboratoire de fertilité.
C’est ça Six : on oscille entre les clichés reliés à la guerre et une fiction vieux jeu à la Lifetime. Qui plus est, ces militaires sont loin d’avoir le beau rôle lorsqu’on les voit évoluer en famille, bien au contraire. Soldat un jour, soldat toujours : outre leurs missions, ils n’ont du plaisir qu’entre hommes à boire de la bière et bizuter les nouvelles recrues. Lorsque l’un d’eux évoque qu’il a des problèmes de couple, on a droit à cet échange peu flatteur pour eux : « You have heard of couples therapy, right? » « Ain’t nobody got no time for that. »… Donc, des hommes de Neandertal au foyer et des héros lorsqu’ils sont en mission, au service de leur partie. Difficile de leur accorder le bénéfice du doute, tout comme à la série.
Le premier épisode de Six a attiré 1,73 million de téléspectateurs avec un taux de 0,48 chez les 18-49 ans. À titre de comparaison, au printemps 2015, la médiocre Texas Rising sur la même chaîne avait attiré un auditoire dépassant les 4 millions avec un taux de 0,65. La seule bonne nouvelle pour la récente série de History Channel est que dans les trois premières semaines, ses fans lui sont restés relativement fidèles avec une moyenne compilée de 1,66 M (taux de 0,42). Par contre, on doute que cela soit suffisant pour qu’elle ait droit à un second opus.