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C'est l'été et ce pays va super-bien !

Publié le 24 juin 2008 par H16

Ce pays n'est pas foutu ! Tous les indicateurs sont en effet passés au vert, pif, comme ça, et les signes s'accumulent dans la même direction : l'horizon se dégage, l'orage a été évité, la pluie ne viendra pas ruiner le pique-nique estival qui se tient tous les jours dans ce pays de cocagne !

Ainsi, les consciences se sont éveillées et les yeux se sont écarquillés. Petit à petit, la vérité se fait jour même dans les esprits les plus embrumés et bientôt on voit poindre la lumière au bout du tunnel : ce pays va de mieux en mieux et l'on sent déjà se déserrer les ceintures, trop strictement fermées en prévision des mauvais jours, alors que les bonnes nouvelles s'amoncellent comme les taxes sur le méchant capitaliste.

Ainsi, la corruption recule tous les jours ! J'en veux pour preuve le fait qu'il ne se passe plus un mois sans qu'on débusque une nouvelle affaire de fonds publics détournés ou d'homme politique surpris les doigts dans le pot de confiture. Dernièrement, nous avions l'UIMM pour nous occuper. Le mois de Juin sera consacré à Pierre Mauroy qui a bricolé de l'emploi fictif comme jadis un autre président dans une autre mairie.

Pas de doute : le marigot grouillant qui fut un jour la France de la corruption est tous les jours rendu plus salubre grâce aux efforts colossaux de nos brigades fiscales et financières, semblables à des Augias de combat nettoyant les écuries de la République !

En pendant que la corruption recule à grands renforts médiatiques, les usagers des services publics sont de plus en plus détendus de l'impôt : selon les dernières enquêtes, les bailleurs de fond de l'action publique sont contents des résultats obtenus ! Et il serait de bien mauvais esprit de ne voir dans ce passionnant article du Môôônde que le dernier avatar d'un journalisme orienté à la positive attitude envers l'étatisme. Ce n'est pas, en effet, parce qu'on dit, je cite "Elle reste bonne pour la police et la gendarmerie (57 %), malgré une dégradation persistante de 10 points en trois ans." qu'il faut se focaliser sur la dégringolade de 10 points. L'important, c'est que 57% des moutontribuables revient présenter son derrière légèrement duveteux pour une tonte encore un peu plus claire en bêlant de contentement et en frissonnant d'aise à l'idée que, peut-être en plus de la tonte, une petite fouille fiscale et profonde y sera ajoutée.

Un exemple, d'ailleurs, d'efficacité percutante de notre establishment politique peut se lire dans les nouvelles idées consternantes étonifiantes dont il fait preuve. Ainsi, quand des émeutiers, des petits loubards ou des grosses racailles velues de banlieue brûlent votre voiture, plutôt que s'appesantir inutilement sur les origines du troubles, le groupe UMP, jamais en panne d'un texte législatif bourré de cet humour un peu spécial qui ferait passer les pièces de Shakespeare pour du boulevard populaire, propose de vous rembourser votre chignole cramée sur les fonds de garantie des ... actes de terrorisme. Voilà une idée géniale, sur le plan politique : plutôt qu'endiguer les raisons des troubles, émeutes, nuits festives et barbecues citoyens, on va étouffer les couinements des victimes en leur offrant une caisse toute neuve ou presque (attention cependant, il faudra remplir des critères d'accessibilités comme ne pas être trop riche puisque, comme chacun le sait, brûler une voiture de riche est moins grave qu'une voiture de pauvre).

Et puis, utiliser un fonds de garantie au départ utilisé contre les actes de terrorisme pour des voitures brûlées, c'est, finalement, prendre une mesure pondérée et raisonnable devant les poignées de jeunes qui mettent en coupe réglée certaines cités ; ces exactions devenant ainsi des actes de terrorisme, la guerre intérieure sera peut-être proclamée... Non, je déconne. Rassurez-vous. Le terrorisme, c'est seulement quand on fait exploser des radars automatiques. La remise aux pas des cités n'aura pas lieu. Ouf. C'eût été prendre le risque de bouleverser les buffets campagnards et champêtres planifiés de longue date dans les agendas protocolairement chargés de nos ministres.

En outre, ce pays va suffisamment bien pour le proclamer haut et fort, par sa télévision officielle par exemple ; l'intelligentsia boboïde téléramesque, à grand renfort de pétition, propose en effet quelques mesures simples, là encore baignées dans la pondération et le bon sens terrien dont les habitants de ce pays peuvent s'enorgueillir, pour un renouveau de "notre" télé publique.

Ainsi, dans la plus parfaite décontraction du cuistre heureux de son ignorance, le magazine propose-t-il d'inscrire la télé et la radio publiques dans le préambule de la Constitution, comme si, même de loin, ce patchwork ridicule - dont les politiques ne s'embarrassent que pour enquiquiner leurs adversaires - pouvait prétendre couvrir aussi le domaine des radio-fréquences.

Et, avec cette aisance du nanti détaché des questions matérielles bas-de-gamme, il propose d'augmenter la redevance dans des proportions au départ joufflues puis enfin gargantuesques, pour couvrir, sans doute, les frais quasi-saoudiens des organes sur-subventionnés de diffusion de la vérité étatique officielle.

Je passe sur la bonne humeur pétillante, inimitable hochet des simplets maladroits, et l'appétit d'impôts revigorant de chacune des autres propositions, comme les huit (8 !) grandes chaînes régionales, le racket assumé des chaînes privées pour le public, ou la réduction de la publicité, pour laisser un soupir attendri sur la dernière, "Accroître la qualité, la créativité et l’innovation des programmes", qui méritait enfin d'être présente puisque dans ce pays, il suffit de l'écrire pour l'avoir.

Mais ce pays serait encore au bord de la grisaille, même avec toutes ces bonnes nouvelles, sans cette gaillarde petite perle qui vient confirmer qu'en France, tout se termine non pas par des chansons mais bien par des bouts de papiers : bientôt, à l'instar des assignats de 1791 qui furent généreusement distribués, le bac sera donné ! Autrement dit, la fin du lycée sera bientôt sanctionné par la distribution d'un assignat coloré de la République, contre lequel vous pourrez obtenir le droit (opposable bien sûr) de vous inscrire à l'ANPE. Bien sûr, on est encore loin des 100 % de réussite au bac, mais «grâce aux consignes de correction données par les corps d'inspection, on s'en approche», affirme Catherine Pauchet dans cet édifiant article plein d'espoir pour les lycéens "alternatifs" à l'ortografe hézitante et aux capacités de raisonnement encore embryonnaires.

D'ailleurs, je tiens à le dire : ami lecteur, si tu es lycéen, que tu viens de passer ton bac, et que tu parcours ce présent blog (je ne parle pas de le comprendre, note bien), je suis prêt à parier que tu as eu ton bout de carton diplôme et que tu pourras te détendre cet été, par exemple en brûlant une voiture ou deux (c'est thérapeutique et presque remboursé par la sécu).

Non, pas de doute, ce pays n'est pas foutu ! Il est même plein de cette vigueur festive et pétillante qu'on reconnaît dans le dernier souffle des soldats blessés à mort, quand ils s'écrient "Sergent, continuez sans moi", le visage déjà parcouru d'un sourire béat sur les visions magnifiques d'un paradis qui les attend dans les prochaines secondes.

Et quand ce n'est pas un soldat, c'est un député, et quand ce n'est pas "Sergent, continuez sans moi", c'est "Nous sommes utiles !".

Ce pays est rigolo.


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