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Conversation avec Catherine Locandro autour de Pour que rien ne s’efface

Publié le 11 février 2017 par Pascal Iakovou @luxsure
by Elisa Palmer on 12 février 2017 260 Views |  Like

Conversation avec Catherine Locandro autour de Pour que rien ne s’efface

Pour que rien ne s’efface – Catherine Locandro

EHO – 18€

www.editions-heloisedormesson.com

« Elle a été la plus belle petite fille du monde. C’était sa mère qui le lui répétait, en brossant ses longs cheveux châtains aux reflets dorés, doux comme la soie. Puis elle est devenue une icône. Un visage adolescent à l’innocence affectée et provocante, infiniment désirable. Une image de cinéma. Sa disparition a commencé il y a longtemps. Dès cette image fantôme qui s’est ancrée dans les inconscients, la figeant dans le temps et les mémoires. Une extinction lente aux allures de fondu au noir qui l’a menée jusqu’à cette pièce, derrière cette porte où on l’a oubliée. »

Ce roman débute par une chute : l’histoire banale du « elle a été ». Participe passé du tragique. On découvre, dans sa plus grande solitude – fond ultime de la condition humaine, le cadavre pourrissant et nauséabond de Lila Beaulieu, ancienne – et surtout très brève – icône du cinéma.

C’est, par la fin, que tout commence. Lila est retrouvée morte, à 65 ans, irrécupérable dans sa studette parisienne de fortune. Elle a mis pour – cette vraie dernière fois – sa plus belle toilette, s’est entourée de ses meilleures photos et publications. Lumière nostalgique – et lugubre – de la star déchue dans ses bouteilles, plus fidèles que la gloire.

Tour à tour, douze visages, figures de son quotidien, vont prendre la parole et nous conter cette femme, lui tirer le portrait, parfois la condamner – sans appel – à son triste sort, parfois lui rendre ses raisons de tomber, la laver de ses dangereuses erreurs et incrédulités, la livrer à la terre plus humaine, et plus digne aussi.

La scénariste Catherine Locandro, joue sur du velours en faisant se confier les silences, et se distingue avec brio dans le mécanisme implacable du piège de l’existence.

Elisa Palmer. Pourquoi avoir eu envie de commencer cette histoire par la fin ?

Catherine Locandro. J’avais envie de répondre à la question : Comment peut- on en arriver là ? À cette solitude, à cet oubli ? Commencer par le fait divers, comme un constat, m’a paru logique.

EP. On dirait que la tragédie de Lila Beaulieu est avant tout « familiale », on dirait que finalement tout tourne autour de cette famille dont elle n’a jamais réellement su se faire aimer. Qu’en pensez-vous ?

CL. Le « failles » de Lila trouvent leurs origines dans son histoire familiale, mais elle a du mal à être comprise et à se sentir aimée de tous… Elle a trop peur d’elle-même et des autres pour accepter qu’on l’aime.

EP. Finalement, sa courte « gloire » et sa chute, sa déchéance, ne tournent qu’autour d’une seule figure d’homme et d’un seul rôle. Qu’en pensez-vous ?

CL. Il y a dans le roman une sorte de mise en abîme de la figure du Pygmalion. À travers Dan, son premier mari, et la référence au livre de Nabokov. Cette figure masculine, et le rôle qui lui apporte le succès, sont à l’origine de sa déchéance.

EP. Peut-on se demander si elle a eu raison de rester fidèle à cette existence ?

CL. Je crois que Lila a fait ce qu’elle a pu, tout simplement. Elle ne s’est pas posé plus de questions que ça, et ce n’est pas une femme qui se remet en question. Elle a suivi le chemin qu’elle pensait être le sien. Elle n’est pas cérébrale, mais instinctive.

EP. Pourquoi parler d’elle à travers d’autres visages ? Qu’est-ce qui vous intéressait dans ce type de portrait à travers l’autre multiplié par douze ?

CL. J’avais envie que l’histoire de Lila apparaisse par couches successives. D’où l’utilisation de ces différents « témoins ». Et puis je voulais que les circonstances de sa mort, marquée par la solitude et l’oubli, fassent écho chez d’autres. Qu’elle les renvoie à leurs propres peurs, leur propre solitude… Et au final, à travers ce « panel » d’humains si semblables et si différents, à NOS propres peurs. Notre humanité, finalement.

Merci encore à Catherine Locandro.

Elisa Palmer

[email protected]


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