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L’euro est, pour partie, responsable de la difficulté à renouer avec la croissance économique car c’est une devise absolue dont la gestion est essentiellement fondée sur un objectif d’inflation de 2 % plutôt que sur un ancrage dans l’économie réelle et l’emploi. Aujourd’hui, l’argumentation politique de la gestion de la monnaie unique repose sur le respect des déficits budgétaires (et donc des endettements publics) alors que c’est aux déficits commerciaux (qui reflètent l’équilibre entre les exportations et les importations domestiques) qu’il faudrait prioritairement s’intéresser. La dévaluation/réévaluation des devises des États-membres de la zone euro n’étant plus possibles, l’euro est une monnaie moyenne, c’est-à-dire trop faible pour les États-membre forts (et exportateurs nets) et trop forte pour les États-membre faibles (et importateurs nets). Si la zone euro porte en elle la contradiction de son propre projet, et cette dernière est aggravée par des endettements publics en croissance et l’impossibilité de procéder à des dévaluations internes ou à des stimulations de la consommation intérieure, alors il faut considérer une adaptation idéologique. Celle-ci consisterait à postuler que le but premier de l’euro est la croissance de l’emploi, voire le plein-emploi. Cela supposerait une modification structurelle du mandat de la BCE mais ce n’est pas irréalisable : les États-Unis ont structuré leur politique monétaire dans ce sens. Il s’agirait donc d’aller au bout d’un marché unique. Il faudrait aussi assurer la constitution d’une fédération fiscale et budgétaire digne d’une monnaie commune.
Il s’imposerait aussi de mettre en œuvre, de manière circonstancielle, des politiques de stimulation de la demande tout en élargissant le mandat de la BCE afin de tenir compte du niveau d’activité économique dans la politique monétaire. Plus que jamais, la perpétuation de l'euro repose sur le fragile équilibre de l'axe franco-allemand. Sans sursaut moral et une action politique décisive, un fait politique pourrait conduire à une sécession monétaire ou, pire, déclarer un véritable schisme qui mettrait fin à une des plus stupéfiantes expériences de l’histoire des monnaies. Ce scénario ne peut pas être moralement considéré.
A propos de l'auteur : Bruno Colmant est chef économiste chez Banque Degroof Petercam.