Magazine Cinéma
Rien de mieux que les parodies pour révéler l’envers d’un genre. Kick-Ass exhibe cette violence euphémisée des films d’action qui gangrène la société américaine, Hancock met en scène les codes sociaux auxquels se doit d’adhérer le héros pour être reconnu comme tel.
À voir Hancock, on comprend qu’avoir des superpouvoirs ne suffit pas. Être un super-héros, c’est avant tout savoir se mettre en scène, offrir un spectacle public à la ville. Le désastreux et détesté Hancock, dont la quête existentielle est de passer du statut d’asshole à celui de héros, est pour cela pris en charge par Ray, membre d’une agence de communication.
Autrement dit, il faut médiatiser le personnage pour en faire un héros. L’essence super-héroïque ne vaut rien tant qu’elle n’est pas socialement reconnue.
Un super-héros noir, pauvre, alcoolique et destructeur ne saurait être accepté comme tel. Il lui faut être nettoyé, civilisé, intégré. Il faut que son image soit à la hauteur de ses actes : super-spectaculaire.
C’est la grande différence avec les policiers et les héros citoyens. Les premiers effectuent des opérations de justice et de protection similaires à longueur de journée, mais ils ne sont pas médiatisés ; les seconds le sont (tel homme a bravé l’incendie pour sauver un bébé (Spider-Man 2), telle femme a brisé les côtes de son agresseur, tel enfant a plongé dans le canal pour sauver de la noyade son camarade…), mais leurs pouvoirs et leur jurisprudence sont très limités. Les citoyens représentent le courage personnel exemplaire, les policiers l’ordre public réel.
La mise en scène du super-héros est une synthèse de ces deux vertus. Il doit à la fois apparaître édifiant et officialisé. Le précepte et le costume. Voilà ce qu’enseigne Ray à Hancock : complimenter les policiers d’un « good job » et porter un costume qui le distingue.
Mais le costume super-héroïque a une autre vertu, révélée par la condition sociale de Hancock : il efface les marqueurs sociaux. Dans ce costume sobre, sombre et moulant, Hancock paraît sûr de lui, efficace, fringant ; alors qu’au début du film, le sweat sale, le pantalon trop large, les lunettes bon marché et le bonnet sur les yeux ne montraient de lui que la pauvreté de ce quasi-clochard. Hancock commence à devenir un super-héros lorsqu’il s’extrait de toute appartenance sociale et se transforme en corps conformiste, intégré aux normes sociales de la beauté virile.
C’est le propre de l’image héroïque que d’être euphémisée. Propre sur elle. La violence s’y réduit à quelques coups de poings et explosions, mais jamais on ne montrera – hormis les parodies – les fleuves de sang, la sueur, la douleur physique réelle. C’est là aussi ce que doit apprendre Hancock : maîtriser l’héroïsme sans taches, le corps aérien. Hancock est extrêmement terrestre au début du film : il dort sur les bancs de Los Angeles, semble sur le point de s’écraser lorsqu’il vole, et surtout fait exploser le bitume à chacun de ses décollages et atterrissages. Tous ces petits détails qui ne font pas de lui un héros, mais un asshole. Pour être aimé, il lui faut devenir gracieux ; voler avec l’angélisme de Superman et de Spider-Man.
Hancock est un de ces films qui permettent de mieux saisir la véritable définition du héros. Qu’est-ce qu’un héros, au fond ? Peut-être n’est-ce après tout qu’un individu valeureux dont la société a su se faire un emblème.
Hancock, de Peter Berg, 2008
Maxime