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CEDH, 3ème Section, Requête no 20996/10, 21 février 2017,...
Publié le 27 février 2017 par Elisa Viganotti @Elisa_Viganotti
CEDH, 3ème Section, Requête no 20996/10, 21 février 2017, RUBIO DOSAMANTES c. EspagneMadame RUBIO, d'origine mexicaine, est une chanteuse très connue en Espagne.Dans le cadre de diverses émissions de télévision, des commentaires frivoles ont été émis sur certains aspects de sa vie privée, portant essentiellement sur son orientation sexuelle ainsi que sur la relation orageuse qu’elle aurait entretenue avec son compagnon, les humiliations qu’elle lui aurait infligées et son rôle dans la consommation de stupéfiants de ce dernier. La CEDH observe que, dans leurs décisions, les juridictions internes se sont bornées à considérer que Mme Rubio était une personne bien connue du public. Or, la CEDH est d'avis que les émissions de télévision en cause, basées sur des aspects strictement privés de la vie de Mme Rubio, ne comportaient pas un intérêt public susceptible de rendre légitime la divulgation de ces informations, car, malgré la notoriété de l’intéressée, le public n’avait pas un intérêt légitime à connaître certains détails intimes relatifs à sa vie privée. Il est évident en revanche qu'il existait un intérêt commercial pour les chaînes de télévisions diffusant ces programmes:la CEDH considère que ces intérêts doivent s’effacer devant le droit de la personne à la protection effective de sa vie privée. Concernant le comportement de Mme Rubio, qui aurait parlé ouvertement et publiquement de sa relation sentimentale, la Cour rappelle que si les informations portées à la connaissance du public par l’intéressé lui-même cessent d’être secrètes et deviennent librement disponibles néanmoins, rajoute-t-elle, le fait que la requérante aurait pu tirer profit de l’attention de la presse n’autorisait pas pour autant les chaînes de télévision en cause à diffuser sans limite des commentaires incontrôlés sur sa vie privée.Ainsi, rappelle la CEDH, certains événements de la vie privée et familiale font l’objet d’une protection particulièrement attentive au regard de l’article 8 de la Convention et doivent conduire les journalistes à faire preuve de prudence et de précaution lors de leur traitement.La CEDH considère par conséquent qu’il appartenait aux autorités nationales de procéder à une appréciation des émissions de télévision litigieuses de manière à distinguer et à mettre en balance ce qui était susceptible de toucher le cœur de la vie privée de Mme Rubio et ce qui pouvait présenter un intérêt légitime pour le public. La CEDH observe alors que les juridictions nationales n’ont point procédé à cette opération de balancier entre les droits en présence, bien au contraire! Elles se sont bornées à considérer que les commentaires en cause ne constituaient pas une atteinte à l’honneur de l’intéressée et n’ont pas examiné les critères à prendre en compte en vue d’une juste appréciation du droit au respect de la liberté d’expression et du droit au respect de la vie privée.Malgré la marge d’appréciation dont disposent les autorités internes en la matière, la CEDH conclut que celles-ci ont manqué à leurs obligations positives au regard de la protection de la vie privée de Mme Rubio. Il y a donc eu violation de l’article 8 de la Convention.Pour aller plus loin: Arrêt RUBIO DOSAMANTES c. Espagne du 21 février 2017+Viganotti Elisa Avocat de la famille internationaleP.S. C'est nous qui avons souligné une phrase en gras