On connaît mal Valentin de Boulogne en France. Et pourtant, le meilleur des caravagesques français est l’auteur d’une œuvre qui, tout en respectant le maître italien, sait s’en affranchir en s’immisçant dans les secrets de la psyché baroque.
Mélancolie baroque
L’exposition Valentin de Boulogne. Réinventer Caravage qui vient d’ouvrir au Louvre se propose de faire la lumière sur ce peintre de l’ombre. Monographie classique, le parcours chronologique suit les débuts du jeune peintre jusqu’à sa mort accidentelle – aux lendemains d’une beuverie – à trente-trois ans.
La trajectoire de Valentin de Boulogne se place sous l’égide du Caravage. Et pourtant, le peintre français ne se contente pas d’imiter : s’il emprunte à son illustre prédécesseur sa touche flamboyante, il colore celle-ci d’un noir opaque, d’une pénombre où se trament des affaires sordides, que l’on ne retrouve pas dans les toiles du Caravage.
Déjà redécouvert l’an dernier lors de l’exposition Les Bas-fonds du baroque au Petit Palais, Valentin de Boulogne baigne en effet dans un milieu interlope, où l’artiste se confond avec le magicien et la diseuse de bonne aventure.La présentation chronologique montre toutefois une évolution de son regard : à force de traîner dans des auberges louches, le peintre abandonne les plaisantes compositions ludiques de ses débuts – telle La Diseuse de bonne aventure, qui vole un naïf et se fait voler dans son dos – pour verser dans un état de mélancolie chronique à la fin de sa carrière. Les toiles se font plus frontales, les regards semblent errer davantage, et l’atmosphère, en suspens, à la fois calme et inquiète. Comme dans Le Concert au bas-relief, où les musiciens paraissent plus perdus dans leurs pensées, à l’écoute d’une menace sourde, qu’occuper à jouer ensemble.
La psychologie de l’excès
À la différence d’autres peintres baroques, Valentin de Boulogne introduit du psychologique au milieu de la tourmente. Reprenant des sujets caravagesques par excellence – Judith et Holopherne, David tenant la tête de Goliath avec deux soldats, Le Christ aux épines –, l’artiste français cadre si bien les visages qu’il y décèle comme un trouble. On découvre ainsi comme un dégoût dans le visage juvénile de David, une gêne dans le regard déterminé de Judith, de la tristesse dans la figure résignée du Christ. Autant de failles humaines creusées dans l’étoffe des héros.
Il semble que Valentin de Boulogne ait cherché l’innocence au milieu de la violence. À l’image de son Jugement de Salomon, qui représente le roi biblique sous les traits d’un jeune enfant aux côtés du cadavre enflé d’un bébé, les toiles de Valentin de Boulogne sont le reflet d’une époque troublée qui met en scène la corruption du monde pour y découvrir des bribes de vertu.
Valentin de Boulogne. Réinventer Caravage, au musée du Louvre jusqu’au 22 mai 2017
Maxime