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Le développement de l'agriculture biologique confié à ses détracteurs ?

Publié le 10 mars 2017 par Bioaddict @bioaddict
Chaque jour 21 fermes ont choisi de passer en production biologique en 2016. C'est beaucoup. Alors que les structures qui les aident à changer de modèle ont besoin de soutien, leurs subventions sont réduites voire supprimées en Ile-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes et doivent licencier. Les deux régions, en charge comme les autres de distribuer ces subventions, ont choisi de les transférer aux chambres d'agriculture, dirigées par la FNSEA, chantre de l'agriculture productiviste et jusque-là opposée à la bio. Sur le terrain, la colère gronde. Le développement de l'agriculture biologique confié à ses détracteurs ? ¤¤ La FNSEA, Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), préside la quasi totalité des chambres d'agriculture. Sur le même thème   Valérie Pécresse veut supprimer les aides au développement de l'agriculture bio en Ile-de-France Valérie Pécresse veut supprimer les aides au développement de l'agriculture bio en Ile-de-France Pesticides : les populations et les agriculteurs ne seront pas mieux protégés Pesticides : les populations et les agriculteurs ne seront pas mieux protégés Bayer rachète Monsanto : bientôt la fin de l'agriculture bio ?! Bayer rachète Monsanto : bientôt la fin de l'agriculture bio ?! L'agriculture biologique peut nourrir la planète et sans l'abîmer L'agriculture biologique peut nourrir la planète et sans l'abîmer Agriculture : Agriculture : " la protection de l'environnement est aussi un impératif économique " Pourquoi les producteurs de lait bio s'en sortent mieux que les autres Pourquoi les producteurs de lait bio s'en sortent mieux que les autres FNE : FNE : "la PAC doit réconcilier agriculture, environnement et alimentation" Dans un contexte sans précédent de conversions, les agriculteurs bio réaffirment leurs valeurs Dans un contexte sans précédent de conversions, les agriculteurs bio réaffirment leurs valeurs OK
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" Je vais vous choquer, mais j'ai la conviction que les biotechnologies, c'est l'avenir de l'agriculture biologique ", déclarait en mai 2011 Xavier Beulin, alors président de la FNSEA, au journal Libération qui lui dressait le portrait. Le propos illustre bien l'esprit de la maison. La FNSEA, principal syndicat d'agriculteurs, prône l'agrochimie et les OGM, base de l'agriculture productiviste dont le coût des externalités négatives ne cesse d'augmenter. On peut même dire que la FNSEA, et les FDSEA au niveau départemental, ont freiné le développement de l'agriculture biologique tant ils y étaient opposés techniquement, économiquement et idéologiquement.  " Jusqu'à il y a peu encore, des bio il y en avait une poignée et ils étaient montrés du doigt par la FNSEA et qualifiés d'hurluberlus ", a rappelé Philippe Martin, député du Gers, le 8 février lors d'une journée organisée à Paris sur le programme des candidats à la présidentielle.

Mais le vent tourne. Pour plusieurs raisons. La première est la crise économique qui fait péricliter les fermes conventionnelles, et pas seulement d'élevage. Les banqueroutes se multiplient et les suicides aussi (il ne passe pas deux jours sans un suicide d'agriculteur). Un éleveur laitier qui travaille plus de 70 h par semaine ne parvient pas à se rémunérer. Pire : chaque jour augmente son déficit. Beaucoup vivent des minimas sociaux. Ils devront travailler de nombreuses années pour éponger les dettes accumulées, si leur situation se redresse. Mais la mise en concurrence avec les autres pays du monde ne laisse par entrevoir d'amélioration.

La Bio, un marché de 25 Mds € en Europe qui attise les convoitises

A côté d'eux, les producteurs bio s'en sortent bien. Leur modèle est vertueux sur le plan agricole et sur le plan économique. Il va vers plus d'autonomie et moins d'endettement, des circuits plus courts avec moins d'intermédiaires, une meilleure valorisation du produit justifiée et acceptée des consommateurs. Aussi, les critiques de la FNSEA ont moins de pouvoir et les conversions de fermes vers l'agriculture biologique sont en forte hausse. L'an dernier, 21 fermes françaises se sont converties chaque jour. Le syndicat doit faire avec.

D'autre part, la bio n'est plus un marché de niche : son chiffre d'affaires atteint presque 7 milliards d'euros en France et 25 milliards en Europe. La consommation connaît une croissance à deux chiffres. 9 français sur 10 consomment bio au moins de temps en temps. Ce développement justifie une augmentation des aides publiques, relativement modestes jusque-là. Aussi, désormais, la FNSEA s'intéresse à l'agriculture biologique. S'apprête-t-elle à prendre également le contrôle de ce secteur agricole ? Des constats le donnent à penser.

Produire bio plutôt que chasser les primes à la bio

Premier d'entre eux : les chambres d'agriculture présidées en quasi-totalité par la FNSEA, chantre des pesticides et des OGM, se posent en acteurs du développement de l'agriculture biologique. Sur le terrain, elles s'y sont pourtant jusque-là opposées -on pourrait même dire farouchement. Etienne Gangneron, référent " bio " des chambres d'agriculture, s'en défend : " Depuis 10 ans, les chambres d'agriculture montent en compétence. Elles consacrent maintenant plus de 150 équivalents temps plein à l'agriculture biologique. Et depuis trois ou quatre ans, elles ont accompagné l'essentiel des conversions bio ".

Aujourd'hui, les chambres voudraient faire cohabiter deux modèles agricoles incompatibles, bio et conventionnel. L'esprit de la bio est de respecter le sol, l'environnement, le végétal et l'animal, de produire sans détruire, des aliments sains et de qualité. Comment un tel modèle pourrait-il s'accommoder de la pollution des pesticides et des OGM, d'un système d'élevage de plus en plus concentrationnaire et surmédicalisé ?

D'autre part, on reproche aux chambres d'agriculture de ne pas respecter l'esprit de la bio. Exemple en Occitanie : la chambre régionale a refusé de plafonner les aides par exploitation, selon le député du Gers Philippe Martin. Résultats : " Des optimisateurs de primes ont convertis des centaines d'hectares pour produire de la luzerne bio qu'ils n'ont pas récoltée pendant plusieurs années ", explique le député.

Cet argent public mal employé vient à manquer aux nouveaux-venus, d'autant qu'ils sont plus nombreux que prévus. " Si certains perçoivent beaucoup, d'autres sont pénalisés ", ajoute Philippe Martin. La région aurait décidé de revenir sur la notion de plafond.

L'agriculture bio ne peut pas cohabiter avec pesticides et OGM

Deuxième constat : les régions Ile-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes -les régions sont chargées de verser certaines aides publiques- accordent toute leur confiance aux chambres d'agriculture. Elles en font les acteurs principaux du développement de l'agriculture biologique. La région Auvergne-Rhône-Alpes ouvre même la gouvernance de son plan bio à l'association des industriels de l'agro-alimentaires (Aria), présidé par un ancien responsable de Limagrain, un groupe coopératif plus engagé dans les OGM que la bio.

Contreparties  de ces choix financiers : les structures historiques en place, certaines depuis 30 ans, voient leurs subventions réduites voire supprimées. Très engagées depuis des années, avec de faibles moyens mais avec de fortes convictions, celles-ci sont contraintes de licencier. Sur le terrain, ceux qui se convertissent appréciaient pourtant leur accompagnement à un changement de techniques de production, afin d'éviter des erreurs lourdes de conséquences. Et les besoins d'accompagnement augmentent fortement.

La situation est mal vécue. D'autant qu'en Ile-de-France, Valérie Pécresse, présidente de région, a alloué 6,5 millions d'euros à la compétitivité des céréaliers conventionnels: cet argent va les aider à acheter des semences certifiées. En Auvergne-Rhône-Alpes, ce sont 3 millions d'euros que Laurent Wauquiez confie aux chasseurs. Deux poids, deux mesures.

Quel accompagnement vont mettre en place ceux qui sont encore considérés comme les détracteurs de l'agriculture biologique ? Quelles relations de confiance vont-ils pouvoir créer ?

Leur présidence, la FNSEA, maintient son discours de cohabitation nécessaire entre les différents modèles agricoles. Elle n'a pas évolué sur ce point alors que les pesticides et les OGM ne peuvent cohabiter avec l'agriculture biologique. L'expérience l'a démontré. Plus que jamais, le modèle vertueux de l'agriculture biologique a besoin d'être défendu.

Anne-Françoise Roger


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