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Art d’orfèvres

Par Balndorn

Art d’orfèvres
Jean-Baptiste Claude Odiot et Pierre Gouthière rivalisent de chefs-d’œuvre au musée des Arts Décoratifs. L’occasion de se pencher sur le statut d’artistes au milieu d’une production industrielle.
Deux artistes au service des élites 
Odiot orfèvre. Dessiner l’or et l’argentet Or virtuose à la cour de France. Pierre Gouthière se font pendant. Même scénographie, même présentation : le musée des Arts Décoratifs souhaite mettre en avant des figures singulières au sein d’un ensemble de commandes prestigieuses.
Les deux orfèvres répondent en effet aux désirs de l’aristocratie. Au XVIIIe siècle, Gouthière devient l’artiste attiré du riche duc d’Aumont ; au XIXe, Odiot celui de l’Empire et de la Restauration. D’or, d’argent ou de bronze doré, leur art se destine à un petit cercle social qui a les moyens de s’offrir des services de table aussi chers.  
Ce qui les rend artistes leur ôte paradoxalement le statut d’artisans, dont ils descendent pourtant. Avant toute chose, un service de table doit être fonctionnelle, utilitaire. Or, le foisonnement d’anses à figures mythologiques (satyres, amours) ou animales (serpents, cygnes), de pieds en forme de lions ou de femmes, et de forts-reliefs sur chaque plat rendent le service difficilement utilisable. Le style de l’artiste, conforme aux désirs de distinction d’une élite aristocratique ou bourgeoise, outrepasse la fonction de l’objet. D’utilitaire, l’objet rétrograde et atteint à la fois le rang d’œuvre d’art à la fonction strictement décorative.
Une telle conception de l’artiste que refusera radicalement l’Art nouveau à la fin du XIXe siècle. D’abord artisan, l’artiste est celui qui rend ses productions gracieuses, car fonctionnelles.
Une scénographie obnubilée par les chefs-d’œuvre  
Faire une lecture anachronique de ces orfèvres talentueux a peu de sens. En revanche, on peut s’étonner de voir à quel point la scénographie de ces deux expositions manque de regard critique. Les deux parcours semblent en effet captivés par les œuvres étincelantes. Si les panneaux resituent la carrière des artistes dans leur contexte social et politique, ils ne s’attaquent pas à leur caractère artistocrate, à savoir leur manière de privilégier un style dit « artistique » au style supposé « utilitaire », donc dégradant. 
On a donc une succession d’œuvres certes magnifiques, mais malheureusement empilées dans des salles trop étroites où le public s’entasse pour regarder d’un œil ébahi des trésors qui ravive son imaginaire des princes et des princesses. Mal exposées, pas assez présentées dans leur singularité, les œuvres de Gouthière et d’Odiot révèlent ainsi ce qu’elles n’ont jamais cesser de jouer : des tape-à-l’œil.   
Odiot orfèvre. Dessiner l’or et l’argent (1763-1850), jusqu’au 7 mai 2017  
Or virtuose à la cour de France. Pierre Gouthière (1732-1813)
, jusqu’au 25 juin 2017
Maxime


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