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Transparence totalitaire : fictions et réalités

Publié le 28 mars 2017 par Fmariet
Transparence totalitaire : fictions et réalités
Evgueni Zamiatine, Nous, 2017, Actes Sud, 233 p.
Ville de verre aux murs transparents. Ville géométrique, tentaculaire ou aucune vie n'est privée. Ville arithmétique habitée par des Numéros, dirigée par un dictateur bienveillant (le Bienfaiteur)... Utopie, lieu où tout est bien, où tout va bien dans un monde parfait. Nous sommes en l'an futur tel que l'imagine un roman de science fiction soviétique au temps de la Révolution bolchévique (1920). L'auteur est ingénieur. Nous roman est l'histoire de D-503, le héros, un mathématicien quelque peu romantique. C'est son auto-biographie.
Le monde futur est une perfection mathématique;  rien ny 'est laissé au hasard, ni les rencontres, ni l'amour, ni la reproduction, ni les déplacements, ni la mode (chacun reçoit régulièrement une tenue). Standardisation de la personnalisation ! Bien sûr, dans ce monde parfait quelque chose se dérègle : D-503 tombe amoureux de la belle I-330.
L'ouvrage raconte cette aventure, un moment d'exaltation, de dérèglement, de bonheur sans calcul. Le lecteur retrouve les préoccupations de 1984 et la dénonciation des univers poltiques totalitaires, de la collaboration de tous avec ses chefs et petits chefs. Cela ressemble au monde nazi, à l'Allemagne de l'Est (DDR)... A la fin, quand tout revient dans l'ordre totalitaire, le héros sourit : "le sourire est l'état normal d'un homme normal". Tout va bien. L'âme est une maladie dans l'univers concentrationnaire.
Mais pourquoi les mathématiques sont-elles enrôlées pour décrire ce monde ? Curieuse métaphore sociale, comme si la rigueur, la démonstration composaient un monde dangereux, connotaient a priori la terreur alors que ce qui caractérise la pensée totalitaire, c'est l'arbitraire, la croyance, pas la démonstration. Dans Nous, les nombres imaginaires ont mauvaise réputation !
Voilà comment un ingénieur soviétique des années 1920 se représentait les enfers à venir, à confronter avec l'inimaginable "archipel du goulag" (Alexandre Soljénitsine), ou l'enfer de Vasily Grossman (Treblinka) : la réalité est pire que la fiction qui manque d'imagination.


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