Voici un excellent billet écrit par le poète Philippe Colmant la semaine dernière, à l’occasion de l’édition 2017 de la Semaine de la langue française et de la francophonie. Cet article de circonstance est paru sur le site intranet dela Cour des comptes européenne, où l’auteur travaille.
L’orthographe, « science des ânes » ?
Dans sa réponse à une lettre d’insultes comportant de nombreuses fautes d’orthographe, le poète français Léon-Paul Fargue avait écrit : « Monsieur, je suis l’offensé, j’ai le choix des armes, je choisis l’orthographe. Donc, vous êtes mort. »
En cette Semaine de la langue française et de la francophonie, comment ne pas évoquer l’orthographe, cette mal-aimée ? De plus en plus foulée aux pieds, torturée, contournée, cette convention d’écriture peine, malgré ses réformes successives, à faire l’unanimité. Entre partisans et détracteurs, le fossé est parfois immense, les premiers reprochant aux seconds une coupable fainéantise, les seconds moquant les premiers pour leur conservatisme dépassé.
Certes, la langue française passe pour être la plus difficile du monde lorsqu’il s’agit de l’écrire, tant elle est truffée de pièges et d’exceptions. Rédiger sans fautes relève donc pour beaucoup du parcours du combattant, même si apparemment, Napoléon considérait l’orthographe comme la science des ânes. Il est toutefois notoire que les écrits de l’Empereur n’étaient pas des exemples de rigueur orthographique, et l’Histoire raconte qu’il aurait transformé pour sa défense l’adage original (« L’écriture est la science des ânes »), qui faisait référence au fait qu’il ne fallait pas être grand clerc pour avoir une belle écriture.
Alors, l’orthographe est-elle à la portée du premier venu ? Non. Connaître les règles ne suffit pas : il faut aussi de la logique… et du vocabulaire, beaucoup de vocabulaire, qu’il est indispensable de maîtriser. En d’autres termes, une bonne orthographe n’est pas seulement affaire de contenant, mais aussi de contenu. Et s’il est vrai, comme le prétendait Stendhal, que l’orthographe ne fait pas le génie, elle ne l’empêche pas et contribue quand même grandement à la compréhension du message écrit. D’aucuns la considèrent comme une forme de savoir-vivre dans le savoir-écrire : Alain-Fournier y voyait une forme de respect, tandis que pour Jean Guéhenno, l’orthographe n’était ni plus ni moins que la politesse de la langue.