Snatch est une nouvelle série dont les dix épisodes ont été mis en ligne à partir du 16 mars sur le site de vidéo sur demande Crackle. L’action débute à Londres avec Albert Hill (Luke Pasqualino), un brigand de bas étage qui se retrouve dans l’eau chaude puisqu’il s’est endetté de plusieurs milliers de livres auprès de prêteurs peu fiables qui désormais réclament qu’on les rembourse. C’est son père Vic (Dougray Scott), le « légendaire » criminel qui se retrouve présentement en prison qui lui propose de truquer un combat de boxe auquel participera Billy (Lucien Laviscount), un des amis proches d’Albert. Évidemment, les choses ne se déroulent pas comme prévu et pour garder la tête hors de l’eau, il est prêt à toutes les imprudences qui, du moins à court terme, ne paient pas. Adaptation du film éponyme anglo-américain réalisé par Guy Ritchie en 2000, Snatch malgré son peu de temps morts et des personnages originaux se révèle en fait assez superficielle, autant dans son traitement qu’au point de vue scénaristique.
« Life gave you a tough hand »
La série démarre 15 ans plus tôt au moment où Vic fait ses adieux à son fils. C’est qu’un de ses larcins à mal tourné et il sait qu’une longue peine de prison l’attend. Toutefois, grâce à ses contacts, le paternel est traité aux petits oignons dans l’établissement carcéral et il peut rejoindre quand il le veut avec sa famille. On constate assez tôt qu’il est nul dans son rôle de père, lui qui n’est jamais à court de mauvais conseils, ce qui explique sans doute pourquoi Albert a décidé de suivre ses traces, avec moins de succès. Son pire ennemi est Sonny Castillo (Ed Westwick), propriétaire d’un bar qui lui sert de couverture dans toutes ses magouilles. Il ne fait aucun doute qu’il a donné un pot-de-vin à l’arbitre avant le combat de boxe. Pour se venger, sa petite amie Lotti (Phoebe Leonidas) qui au fond l’apprécie peu propose à Albert, son ami Charlie (Rupert Grint) et à Billy de vandaliser le lendemain un camion appartenant à son amant, lequel est rempli de billets verts. Seulement, les trois complices se trompent de véhicule et se retrouvent à la place avec une importante quantité de lingots d’or convoités par plusieurs incluant Bob Fink (Marc Warren) un policier qui a lui aussi trempé dans des affaires louches.
Ce qui nous séduit dans un premier temps avec Snatch, ce sont les personnages qui se retrouvent à mi-chemin entre les héros de The Wrong Mans (BBC Two) et ceux d’Animal Kigdom (TNT). En effet, ce ne sont ni des imbéciles qui du jour au lendemain s’improvisent criminels, mais ils ne sont pas pour autant des professionnels. En fait, ils sont plutôt bien organisés, mais des tuiles ne cessent de leur tomber sur la tête, à commencer par le combat de boxe initial. N’eût été des agissements de l’arbitre peu objectif, il y aurait longtemps qu’il se serait sorti du pétrin. Même les lingots d’or sur lesquels ils ont mis la main par accident posent problème : d’une part, ils ne savent pas comment en tirer profit sans attirer l’attention et d’autre part, plus ils attendent, plus leur secret risque de s’ébruiter. Dans le second épisode, Saul Gold (Henry Goodman), un ami de Vic offre à Henry de se refaire lors d’un échange de diamants. Là encore, nos héros jouent de malchance et ce trésor tombe entre les mains de Sonny, lequel à l’épisode suivant les intercepte in extremis au moment où ils s’apprêtaient à le cambrioler. Fils de criminel, Albert n’est définitivement pas à la hauteur de son respecté père qui jouit d’une certaine aura dans le même milieu et c’est dans ses échecs que l’on constate son ambivalence par rapport au chemin qu’il a choisi. Brigand par « héritage », on sent notamment dans le premier épisode qu’il tient par-dessus tout à préserver l’amitié des siens plutôt que de s’enfoncer à fond dans les magouilles, au risque d’y perdre quelques plumes.
Un écran de fumée ?
Jusqu’ici, force est d’admettre que Snatch n’est pas à court d’idées et que le rythme effréné nous laisse peu de temps pour n’échapper ne serait-ce qu’un seul bâillement. De plus, le créateur Alex de Rakoff prend un évident plaisir à reproduire pour sa série le style visuel qui caractérise le film de Ritchie. Zoom in/zoom-out, plans au ralenti, segments répétés lorsque la gravité de la situation l’impose, le tout accompagné d’airs groove nonchalants sensés accentuer ce sentiment de « coolitude » à l’écran. Pourtant, c’est à se demander ce que cette composition vient apporter en plus-value au récit. En effet si ce genre de montage a été popularisé par Ritchie, lui-même sans doute inspiré des films de Quentin Tarentino dans les années 90, du point de vue du contenu, ça reste creux. En principe, ces différentes techniques visent à mettre l’accent sur divers éléments du récit sur lesquels on veut que l’on porte attention. Dans les faits, c’est surtout pour souligner les raclées que les hommes encaissent en se battant ou alors une bonne excuse pour s’attarder aux courbes de Lotti qui de toute évidence préconise les vêtements moulants avec le moins de tissus possibles.
Au final, on réalise à quel point l’inspiration est superficielle et qu’elle sert aussi de distraction à certains trous dans le scénario, dont la continuité du récit. Par exemple, après le match de boxe et tout l’argent perdu, Albert n’entend plus parler de son créancier qui l’avait menacé de lui couper un doigt et de fermer le magasin de fleurs appartenant à sa mère Lily (Juliet Aubrey). Même chose après le vol de diamants dans l’épisode suivant alors que la « vengeance » de Gold est plutôt insignifiante. En gros, Snatch que l’on pourrait comparer à certains égards à Fargo de FX ou Mad Dogs d’Amazon est loin de leur arriver à la cheville. La première ne se contentait pas d’imiter le style visuel des frères Cohen, mais d’y ajouter l’atmosphère qui allait avec. La seconde nous entraînait dans une folle aventure criminelle, mais jamais ne perdait de vue son arc narratif principal tout en élevant d’un cran la tension à chaque épisode. Pour le moment, cette nouveauté est incapable d’accomplir ces deux objectifs.
Jusqu’ici, les critiques ont été plutôt tièdes à l’égard de la série de Crackle. Et bien que The Art of More ait été renouvelée pour une seconde saison, on ne peut pas dire que les fictions originales du service de vidéo sur demande fassent beaucoup parler d’elles. Dans ses projets à venir, mentionnons entre autres Sequestered (12X60 minutes) prévue en août concernant un jury mis en isolement forcé alors qu’ils doivent délibérer sur un procès explosif et CAPO un drame se déroulant dans l’univers et carcéral.
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