La zone du cerveau qui crée les cartes mentales de notre environnement, appelée GPS cérébral, joue un rôle beaucoup plus large dans la mémoire et l'apprentissage que ce que l'on pensait auparavant, révèle cette recherche de l'Université de Princeton, publiée dans la revue Nature. Des travaux passionnants, menés ici sur l'animal, qui contribuent à expliquer pourquoi la localisation, mais aussi la musique ou le son sont indissociables de nos souvenirs.
Comment savons-nous où nous sommes et comment mémorisons-nous ces informations spatiales L'explication réside dans ce " GPS " du cerveau qui nous permet de nous orienter dans l'espace.Cette fonction cognitive très sophistiquée a ses racines dans certaines cellules de localisation ou " " vouées à chaque emplacement visité ou à chaque position et dans les " " qui génèrent un système de coordonnées (ou grille) et permettent de s'orienter et de se situer. Ce processus permet au cerveau de conserver une trace et de fournir une aide à la navigation, comparable à un GPS intégré. Ce sont plus de 40 années de recherches qui ont permis d'identifier cette zone du cerveau consacrée à la navigation spatiale, rappelle ici le Dr David Tank, professeur de biologie moléculaire à Princeton et codirecteur du Princeton Neuroscience Institute. Ses travaux montrent que ce GPS cérébral permet certes de naviguer dans des environnements spatiaux mais de naviguer aussi dans les environnements cognitifs.
Le rôle tout autant cognitif que spatial de l'hippocampe : ces travaux portent sur l'hippocampe, une zone qui s'active en cas de " navigation " , dans cette expérience qui sollicite les rats à se déplacer dans différents environnements. Les chercheurs observent l'activation des cellules du cortex entorhinal lorsque les animaux atteignent des endroits spécifiques, et que le cerveau crée une représentation interne de cet environnement qui permet à l'animal de se situer.
Cependant, l'équipe de Princeton constate aussi que ces mêmes zones s'activent aussi lorsque le cerveau explore un nouvel environnement cognitif. Ainsi, les chercheurs ont surveillé l'activité neurale pendant que les rats écoutent et répondent à certains sons, et durant cette écoute, identifient un schéma d'activité comparable à celui observé en cas de repérage spatial. Une observation qui suggère un rôle élargi de repérage, cognitif tout autant que spatial, de cette zone de l'hippocampe et contribue à expliquer cette double fonction de l'hippocampe, de navigation externe et de production de " nouveaux souvenirs " . On sait en particulier que chez certains patients l'amnésie est associée à une lésion à l'hippocampe.
L'orientation et la cartographie, 2 tâches cognitives parmi tant d'autres ? Les chercheurs font l'hypothèse que peut-être l'hippocampe et le cortex entorhinal voisin, qui travaillent ensemble pour faire ces cartes mentales, ne sont pas spécialisés en cartographie mais impliqués dans des tâches cognitives plus générales, la cartographie étant un exemple de tâche cognitive impliquant l'apprentissage et la mémoire. Ils remarquent que les études menées chez le rat confondent également fréquemment tâche d'orientation et tâche cognitive, parce que tout simplement, les rats passent la plupart de leur temps à explorer leurs environnements à la recherche de nourriture. L'idée ici a été de modifier la tâche cognitive et de leur proposer " d'explorer " des sons.
Découvertes sonores et explorations spatiales, même "combat" chez le rat : Pour tester la théorie, les chercheurs ont surveillé l'activité électrique des neurones dans les zones de l'hippocampe e du cortex entorhinal alors que les rats déclenchaient des sons ( visuel ci-contre ) et apprenaient à associer certaines fréquences sonores à des récompenses. Les rats avaient d'abord appris à appuyer sur un levier pour augmenter la fréquence sonore, d'un son sur haut-parleur. Ils avaient appris qu'en relâchant le levier à une plage de fréquence prédéterminée, ils recevraient une récompense. L'équipe constatent des séquences d'activité neuronale produites au fur et à mesure que les rats avancent à travers la progression des fréquences, analogues aux séquences produites lors de la traversée d'un environnement encore inconnu.
Les résultats suggèrent qu'il existe des mécanismes communs à différents types de tâches dans ces zones du cerveau, qui ne correspondent pas spécifiquement à l'emplacement géographique, mais ils peuvent représenter d'autres caractéristiques pertinentes de l'expérience " tout court " . D'ailleurs la localisation n'est pas dissociable de nos souvenirs. Tout comme le son (ou la musique) d'ailleurs. C'est donc un peu du mystère de l'hippocampe à la fois siège de la mémoire spatiale et cognitive, qui vient d'être percé à jour, avec des neurones polyvalents capables de représenter toute l'information pertinente rattachée à une nouvelle expérience.
30 March 2017 doi:10.1038/nature21692 Mapping of a non-spatial dimension by the hippocampal-entorhinal circuit (Visuel@Julia Kuhl)
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