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"I Capuletti e I Montecchi", sixième des opéras de Vincenzo Bellini eurent longtemps du mal à s'imposer à l'affiche. Sur le même thème, l'ouvrage de Gounod tenait le haut du pavé presque définitivement.
En fait, l'opéra du Maître de Catane n'est en rien l'adaptation de la tragédie de Shakespeare. Felice Romani, le librettiste, a simplement puisé aux mêmes sources. Ici, les Capulet et les Montaigu ne sont pas ennemis pour des raisons privées mais bien parce qu'ils appartiennent respectivement au parti des Guelfes et des Gibelins.
Sans toutefois atteindre les sommets de "Norma" et autres "Puritains", l'écriture musicale demeure proche du Donizetti de l'époque et tout lyricomane qui se respecte aura reconnu çà et là de nombreuses pages de "Zaira", composée juste un an auparavant.
Célèbre pour ses audaces, Nadine Duffaut, ne bouleverse pas la tradition et signe une production d'un très grand raffinement, tel un film de cape et d'épées plein de bruit et de fureur, qui met en relief les passages les plus suggestifs, comme pour mieux briser le statisme de certaines scènes dans un ouvrage, il faut bien l'avouer, d'une vitalité dramatique plus que douteuse.
Les costumes de fer et de cuir (Katia Duflot) sont aussi réussis dans leur sobriété et l'ensemble évite les excès où tombent tant de metteurs en scène. Peu de décors, une scénographie efficace, des lumières poétiques, comme un clin d’œil respectueux à cet homme grand Maître: Jean Vilar. Avignon quand tu nous tiens!
Dans la fosse, Fabrizio Maria Carminati, fait revivre dans toute sa splendeur, ce pur joyau de l'opéra romantique. Il rend saisissant le contraste entre la violence cruelle des passions exacerbées qui traquent les amants de Vérone et le charme douloureux de leurs amours contrariées.
En fait, toute la partition est un long duo entre une soprano et une mezzo soprano-contralto (ouf) qui oblige à disposer de deux voix jeunes, sensibles au bel canto par la technique et le tempérament.
Une fois encore, le courageux Maurice Xiberras a frappé dans le mille avec Karine Deshayes et Patricia Cioffi. Cette dernière a pu sembler (pour quelques atrabilaires inévitables) inexistante ou trop diaphane, mais le personnage est ainsi écrit! Sa Juliette parvient, par son métier, et Dieu sait s'il est immense, à donner aux cavatines cette envoûtante beauté qui atteint le cœur.
N'oublions pas qu'avec ce rôle, et plus que jamais, la beauté pathétique du drame qui inspira Bellini atteint une véritable apogée lyrique dans le grand duo final et dans la romance "Oh! Quante volte".
Karine Deshayes restera pour toujours ce Roméo plein de fougue, au timbre chaud et vivant que nous aimons tous. Fascinante Prima Donna!
Qu'importe alors, si à côté de ces deux monstres sacrés, tout droit sorti d'un film de Richard Thorpe, beau comme il n'est pas permis, Julien Dran (Tebaldo) fait un peu pâle figure, mais l'aigu est chatoyant et la ligne de chant séduisante.
Nicolas Courjal (Capellio vindicatif, hargneux) et Antoine Garcin (Lorenzo d'une douceur de santon de crèche provençale) montrent eux aussi dans leurs brèves interventions un métier en béton, un style irréprochable et deux timbres à l'autorité indéniable.
Il aurait été amusant de voir alterner ces deux basses dans leur rôle respectif.
Chœur exemplaire, percutant, concerné, pour un triomphe indescriptible au rideau final. Encore une fois, la tradition se porte plutôt bien sur le Vieux-Port.
Quand la musique, le théâtre et le chant sont une telle fête, cela ne se refuse pas.