Dimension 404 est une création originale de six épisodes d’Hulu et les trois premiers ont été mis sur le site de vidéo sur demande le 4 avril. Bien qu’il s’agisse d’une aventure différente à chaque diffusion, avec un brin d’humour et d’horreur on décortique l’influence du numérique dans notre vie de tous les jours. Le chiffre 404 fait référence à ce code qui s’affiche par moments sur notre écran d’ordinateur pour nous signifier que notre recherche n’a pas porté fruit. Entre un site de drague, une expérience sensorielle au cinéma et des voyages dans le temps, Dimension 404 ne manque pas d’originalité, mais nous arrive avec des émissions à qualité variable que même celle du casting ne rehausse pas nécessairement. Si on passe tout de même un bon moment, force est d’admettre que les Anglais ont une longueur d’avance sur ce genre de concept.
Épisode #1 : Matchmaker
Adam (Robert Buckley) est un musicien en herbe désespérément à la recherche du grand amour et il se laisse convaincre par son meilleur ami Greg (Matt Jones) de s’inscrire à Match-a-make, un site de rencontre. Le voilà donc dans un bar alors qu’il fait la connaissance de son blind date Amanda (Lea Michele) qui partage les mêmes intérêts que lui. Dans les semaines qui suivent, il plane sur un nuage et ose la demander en mariage. Dès lors, la magie est rompue et elle l’envoi au siège social de Match-a-make dirigé par Mr. Maker (Joel McHale), un peu comme on irait en cure de désintoxication. Là, il est placé dans une chambre avec plusieurs autres Adam qui eux aussi ont échoué à séduire Amanda. D’autres clones qui ont vécu les mêmes échecs s’y trouvent et Adam parvient à fomenter une révolte contre Mr Maker qui réussit et les ramène à la vie normale.
Ce que l’on dénonce ici est sans conteste ces sites de rencontre et l’obsession des algorithmes qui ne sont manifestement pas au point. D’une part, on a Adam qui est en quelque sorte le reflet de plusieurs d’entre nous qui espèrent malgré tout ce qu’on en dit tomber sur le numéro gagnant dans un monde qui on le rappelle est virtuel. Une fois enfermé, notre protagoniste se retrouve avec divers colnes (le zen, le nerd, le macho, etc.). Ce qu’on comprend c’est que peu importe la façon dont on se présente, il est impossible de changer et on est condamné à répéter les mêmes erreurs en amour. D’autre part, on a Mr. Maker qui prend les abonnés de son site pour des cobayes. Obsédé par les algorithmes, il est prêt à recommencer autant qu’il le faudra ses tests au détriment de clients comme Adam qu’il considère comme une ressource jettable. Pourtant, son site aussi est condamné à l’échec. La métaphore est illustrée via la publicité racoleuse de son entreprise qui joue en boucle au moins cinq fois au cours de l’épisode avec des comédiens qui croient de moins en moins à leur texte. La finale avec l’humain qui l’emporte sur la machine s’avère un peu trop facile au bout du compte. Sinon, on a fait grand cas de la participation de l’actrice Lea Michele à cet épisode, mais ses cinq minutes de temps d’antenne, tout au plus, nous laissent sur notre faim.
Épisode #2 : Cinethrax
Dusty (Patton Oswalt) et sa nièce Chloe (Sarah Hyland) se rencontrent comme à tous les vendredis pour leur soirée cinéma. En désaccord sur le film à regarder, l’oncle cède et ils se rendent voir Chosen qui nécessite des lunettes spéciales pour s’agencer à la nouvelle technologie. Or, Dusty s’obstine à porter ses anciennes paires. Par conséquent, il est le seul à voir ces tentacules qui sortent de l’écran et qui sont sur le point d’attaquer les téléspectateurs. Lorsqu’il cherche à avertir tout le monde dans la salle, Chloe est surtout embarrassée par son attitude tandis que le gérant Zach (Daniel Zovatto) et son équipe, excédés, se transforment en zombie et tentent de le convertir lui aussi. In extremis, il échoue, mais Chloe n’a pas la même chance.
Dans ce cas-ci, on y va d’une attaque en règle contre la culture de masse et la jeune génération. Cela explique les nombreuses réticences de Dusty à rentrer bêtement dans le rang. On l’a vu avec l’exemple des lunettes, mais en plus, l’oncle arbore un chandail sur lequel il est écrit « Conform » avec l’image d’un singe. On a des opinions un peu moins tranchées lorsqu’on arrive à l’adolescence et Chloe en est un bon exemple, elle qui se trouve rapidement mal à l’aise d’être vue en public avec lui. Dans la même veine, le film qu’ils regardent nous fait légèrement penser à Game of Thrones d’HBO, très en vogue chez les jeunes tout comme les séries mettant en scène des zombies. Les gens dans la salle sont littéralement réduits à cet état par les tentacules qui s’extirpent de l’écran et qui s’emparent de leurs cerveaux. À la fin de l’épisode, il est impossible pour Dusty de s’enfuir puisque dehors règne l’apocalypse. Il y a définitivement un parallèle à faire avec la technologie qui nous tient captifs. Inutile de sortir étant donné que nous pouvons supposément tous être réunis grâce à un seul clic. Peu importe les tragédies qui se produisent autour de nous et l’accessibilité à l’information, on s’est bâti une sorte de cocon virtuel qui au fond, nous abruti davantage qu’il nous éduque.
Épisode #3 : Chronos
Sue (Ashley Rickards) est une étudiante en science qui est du genre à toujours tout remettre au lendemain. À en croire l’introduction, cela remonte à l’enfance alors que sa mère la laissait regarder les épisodes animés de Timeliners en boucle plutôt que de vaquer à ses tâches. Désormais adulte, elle ne dispose que de quelques heures pour finir son travail universitaire de physique quantique, mais là encore, elle procrastine. C’est son ami Alex (Utkarsh Ambudkar) qui vient lui remettre les pendules à l’heure, mais il est minuit moins une. C’est là que Sue à l’idée d’utiliser un gadget issu de sa série d’enfance. C’est qu’elle compte remonter quelques heures dans le temps et elle est même aidée du superhéros (Robert Buckley) qu’elle admirait, mais chaque fois elle doit recommencer puisqu’elle change le cours du présent. Au final, c’est l’ennemi des Timeliners qui l’emporte et Sue a deux choix : rester dans son monde imaginaire ou retourner au réel, quitte à ce que toutes les traces de son dessin animé préféré s’effacent.
Encore une fois ici, c’est la dépendance à la fiction qui est au cœur du récit. On aime par contre le ton méta qui y prime de A à Z puisqu’ironiquement, c’est par la cause de ses problèmes actuels (l’émission Timeliners) qu’elle tente de les résoudre. Elle utilise en effet des pouvoirs surnaturels afin de régler ce qui ne va pas dans la réalité. Et comme ça se solde toujours par un échec, elle va jusqu’à se rendre au bureau où l’on a conçu le dessin animé dans le but de prendre elle-même les rennes du scénario. Qui plus est, le travail qu’elle doit remettre relève en quelque sorte de l’invisible puisqu’il est question de particules et d’atomes. Étudiant et rêvant dans deux mondes abstraits, elle choisit néanmoins l’option qui la ramène à la réalité, quitte à dire adieu à l’enfant en elle.
Chronos est définitivement l’épisode le mieux ficelé des trois, tandis que la finale de Matchmaker est un peu trop évidente. Comme dit précédemment, c’est le rapport avec les nouvelles technologies numériques qui priment, mais jusqu’ici, les métaphores ne sont pas très subtiles et manquent profondeur, spécialement lorsqu’on compare ces historiettes à celles de Black Mirror de Channel 4. Qui plus est, l’unicité au niveau du ton fait défaut et Dimension 404 aurait dû prendre aussi en exemple Inside no 9 (BBC Two) dans laquelle c’était le macabre qui prédominait, le tout accompagné de scénarii hors pair. En somme, la nouveauté d’Hulu est sur la bonne voie, mais aurait tout avantage à gagner en maturité si une seconde saison était annoncée.
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