Où il est question d'un premier bilan de cette élection présidentielle qui s'achève, d'un monde politique qui implose enfin sous nos yeux, des bêtises de Hamon, des outrances de Macron,et de la majorité politique de demain.
#UMPS?
Pour la première fois sous la Vème République, on sait que ce premier tour est incertain, inattendu, surprenant. Pour la première fois sous la Vème République, ils sont 4 dans un mouchoir de poche à concourir pour la qualification du second tour. Joli suspense.
Mais l'important est ailleurs, c'est la fin de la Vème République.
Les deux partis dits de gouvernement sont mal en point. L'un est presque menacé de disparition politique, l'autre incarné par un cupide en passe de perdre une élection imperdable.
Benoit Hamon accumule les revers. Pire qu'en 2007, la hiérarchie socialiste déserte son propre candidat. Ses prétendus soutiens gouvernementaux (Michel Sapin, Patrick Kaner) lui font des baisers d'araignées. Lâché par l'aile droite de son parti, l'ex-frondeur se retrouve nu. Si Hollande est le premier président à renoncer à une campagne de réélection, Hamon est en passe de réaliser le pire score socialiste à la présidentielle depuis 1969.
C'était prévisible. Hamon n'a pas le talent de Sarkozy pour incarner une "rupture dans la continuité". Sarkozy détestait davantage Chirac que son action, l'homme que sa politique. Hamon est tout l'inverse. Il est poli. Il est respectueux. Il devait faire la synthèse improbable entre Valls et les frondeurs. Le candidat socialiste est resté tendre avec Hollande, et (mollement) critique sur son action. Incapable de faire un inventaire dans des délais aussi courts, il s'est réfugié dans des formules creuses ou quelques concepts qui auraient mérité davantage de pédagogie.
A moins de 10% dans des sondages devenus oppressants, il a désormais la défaite mauvaise. En meeting dans l'Ouest, le voici qui s'égare dans des attaques caricaturales de fin de campagne contre Mélenchon et Poutine. La real-politik que réclame Mélenchon n'est pas plus odieuse que celle qui a conduit Valls et Hollande dans les bras de quelques émirats islamistes.
La coalition "de la droite et du centre" est à peine mieux lotie. François Fillon crie toujours au complot politico-mediatico-élyséen à cause de l'avalanche de révélations concernant ses facilités familiales avec l'argent public. Cette semaine, l'avocat et ami Robert Bourgi, qui avait finalement reconnu être le généreux donateur des deux costumes à 13 000 euros pièce après la victoire de Fillon à la primaire de la droite, a lâché deux informations: primo, Fillon lui a demandé de mentir. Secundo, Fillon lui a rendu les costumes plus tard qu'il ne l'a avoué en public sur le plateau de l'Emission Politique de France 2. Le 23 mars dernier, quand Fillon réplique à Christine Angot qu'il a rendu les costumes, en fait il ment. Il ne les rend que le lendemain, et se trompe de costumes.
L'enquête sur les présumés emplois fictifs de Pénélope Fillon porte désormais jusqu'en 1982, année de la première élection de Fillon à la députation. Cela fait 35 ans que la famille profite de l'argent public.
La droite s'est choisie un champion qui s'est révélé d'une cupidité incroyable, un Picsou qui s'est servi d'un système parlementaire mal contrôlé et trop généreux pour rémunérer femme et enfants à des niveaux de rémunération que le commun des Français ne connaîtra jamais. C'est odieux, c'est symbolique, et cela coule la droite républicaine. Ajoutez les positions du candidat des riches contre l'assurance maladie des classes moyennes, l'avortement et le temps de travail des plus pauvres, et la proximité avec marine Le Pen dans ses phobies islamophobes, et vous avez un cocktail détonnant, anachronique et ringard qui explique les difficultés du candidat et le désarroi à droite.
#JeSuisMelenchon
Mélenchon inquiète. Sa poussée sondagière fait frémir les salons. On se déchaîne. Nos éditorialistes émérites se précipitent pour lire le programme de la France insoumise, pourtant publié voici 6 mois. Réflexe Pavlovien, ces habitués du commentaire tactique se surprennent à écouter, lire, étudier Mélenchon dans le texte. Il faut rattraper le temps perdu. Contre ce candidat qui a laissé sur place son rival et ami socialiste, tous les arguments sont bons, même les plus plus odieux, surtout les plus ridicules.
"D’abord une précision. Tout au long de ses presque deux heures de discours (même pas la moitié d’un Castro, petit joueur), Mélenchon n’a pas mangé d’enfant et son élocution est restée tout à fait claire malgré le couteau entre les dents. " Les Jours, reportage sur le meeting de Mélenchon à Lille, mercredi.Le Figaro précipite une une contre "Mélenchon,le Chavez français". Sur France info, Jean-Michel Aphatie attaque Clémentine Autain sur "l'alliance bolivarienne" dont l'Iran et la Russie seraient membres et que Mélenchon président voudrait faire adhérer la France. Patrick Cohen, sur France 5, renchérit contre Alexis Corbière. Le Monde ajoute un article sur des scientifiques qui contestent l'algorithme de YouTube qui, selon eux, favoriseraient Melenchon et Le Pen. Sur les réseaux sociaux, quelques fans de Macron et de Hamon lancent leurs attaques sur "Mélenchon, ami de Poutine". Ces
Sans rire.
En fin de semaine, Mélenchon éteint les fausses polémiques: "je n'ai jamais demandé à sortir de l'UE pour adhérer à l'ALBA. C'est grotesque." explique-t-il sur TF1. Et sur Poutine, il s'exclame devant quelques milliers de personnes en meeting: "Si j'étais russe, je ne voterai pas pour Poutine".
Ces salves contre Mélenchon ne sont pas coordonnées, mais elles sont parallèles. Le fond est ridicule. Macron a peur. D'autres aussi. Il faut effrayer pour décourager celles et ceux, indécis et/ou sans étiquette politique, qui hésitent encore. Et faire silence sur les bombardements unilatéraux de l'administration Trump en Syrie.
D'après un sondage, encore un, Mélenchon l'emporte pour le moment chez les jeunes tandis que Fillon fait une razzia chez les plus de 70 ans. Cette élection ressemble d'abord à un conflit de générations.
"Sur les questions économiques, Jean-Luc Mélenchon séduit 29% des jeunes, devant Emmanuel Macron (28%), Marine Le Pen (21%), Benoît Hamon (7%) et François Fillon (5%)." (source)Certains, rares, ont commencé à avancer quelques explications sur le succès de Mélenchon. Comme Macron, il s'est affranchi de certains clivages. Une gauche peut s'en attrister. Une droite ou plus largement une large part du clan Macron/Fillon continue de caricaturer Mélenchon en candidat de l'extrême de gauche. Pourtant, ces gens n'ont pas lu le programme. Ils font mine de ne pas comprendre, de ne pas entendre. Quelques exemples devraient suffire à convaincre les gens de bonne volonté: réserver l’avantage fiscal de l’assurance-vie aux fonds investis en France, relancer la consommation, refuser la mise en concurrence du transport ferroviaire, ou instaurer des taxes douanières pour les pays qui ne respectent pas les normes sociales sont-elles des mesures si outrancières ? Ou plutôt, le candidat qui ne promet pas ce minimum n'est-il pas simplement l'escalve du Marché ?
La majorité de demain
A l'aube du scrutin du premier tour, la France politique apparaît fracturée comme jamais, avec un gros tiers d'indécis et quatre candidats principaux qui se disputeraient l'essentiel des faveurs des plus motivés à voter. Du jamais vu sous la Vème République, ce qui laisse à penser que le pays serait prochainement ingouvernable. On peut pourtant déjà identifier des lignes de convergence sur lesquelles une majorité politique demain est possible, quelque soit le score des deux tours présidentiels.
Comme en 2002, un référendum anti-Le Pen est toujours possible. A en croire les enquêtes, seule la perspective d'un duel Fillon/Le Pen apparaît suffisamment serré pour laisser croire à une victoire mariniste (52,5% contre 47,5%). Pour le reste, la candidate du FN a toutes les chances de rassembler contre elle une fraction majoritaire contre elle. Ce serait une majorité par défaut, mais une majorité quand même.
L'affaissement des appareils UMP et PS ouvre aussi la porte à d'autres majorités, à d'autres possibilités que nous ne connaissons pas. Le projet de Jean-Luc Mélenchon d'ouvrir le chantier de la Constituante pour changer de régime est en soi porteur d'autre chose que les commentaires picrocholines sur Chavez, Poutine et les costumes de Fillon.
Enfin, il y a des majorités que nous ne voulons pas, mais qui peuvent se constituer. La campagne de Fillon, depuis la primaire et avec le soutien des sarkozystes purs et durs, a ouvert la possibilité d'une alliance bleue/brune. Ceux-là, de l'extrême droite et de la droite furibarde, convergent sur suffisamment de sujets pour mériter l'attention et la mobilisation du plus grand nombre.
Ami(e) citoyen(ne), ne te trompe pas le 23 avril.