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Beauté, de Philippe Sollers

Publié le 21 avril 2017 par Francisrichard @francisrichard
Beauté, de Philippe Sollers

L'avantage d'être l'ami d'une musicienne, c'est un afflux d'intervalles, dans les relations.

Lisa, l'amante du narrateur de Beauté, le dernier roman de Philippe Sollers, est pianiste et, voyageant beaucoup, crée ces intervalles: Elle a du temps, elle n'a pas le temps, elle est loin, elle me téléphone, elle est de retour.

Lisa est grecque, native d'Égine. Sur cette île se trouve le temple d'Athéna Aphaia, dans lequel se trouve cette inscription, mise en épigraphe du livre: Immortelle est la beauté... Que Lisa soit grecque n'est pas fortuit pour lui qui aime Homère:

Au fond, il y a deux livres à ouvrir, et tout le reste s'ensuit: la Bible et Homère.

Les variations Sollers?

J'aime quand Lisa, très doucement, la nuit, me parle grec. Je comprends sa voix et sa mélodie, mais rien de ce qu'elle me dit. Quand elle est au piano, en revanche, je deviens tout de suite son interlocuteur de vie.

Un poète allemand a dans sa poche un volume en grec de Pindare et se rend, à pied, de Francfort à Bordeaux: Hölderlin, à Bordeaux, du fond de l'allemand et du grec, parlait la langue du silence et du vin...

Au coeur de ce roman sans récit, palpitent donc la musique (sont reproduites dans le livre des partitions autographes, textes sacrés, de Bach, Mozart et Webern), la Grèce et ses dieux, la poésie et... Bordeaux.

Ce grand lecteur à la dérobée, un dinosaure, que Lisa sait être fou mais qui a son charme, cite volontiers Georges Bataille, Louis-Ferdinand Céline, Arthur Rimbaud ou Jean Genet, qui, à la prison de la Santé, écrit, en 1943, Miracle de la rose:

Je vis son visage éclairé par la verrière du toit de la prison. Une sorte de paix m'envahit, c'est-à-dire que je me sentis fort de sa beauté qui pénétrait en moi. J'étais sans doute en état d'adoration...

En 2017, Sollers écrit: Inutile de dire que Lisa, dans sa beauté naturelle brune, ne se maquille jamais. Pas de rouge à lèvres, pas de vernis à ongles, pas de fond de teint, rien, une peau mangeable..

Après avoir cité Friedrich Nietzsche (L'oeil du nihiliste idéalise en laid, il est infidèle à ses souvenirs), lui qui distingue avec René Guénon Infini métaphysique et Indéfini mathématique, renchérit:

Quand il ne la détruit pas, ou ne la falsifie pas, le nihiliste, c'est-à-dire presque tout le monde, laisse tomber la beauté...

Francis Richard

Beauté, Philippe Sollers, 224 pages Gallimard

Livres précédents chez Gallimard:

Trésor d'amour (2011)

L'éclaircie (2012)

Médium (2014)

L'école du mystère (2015)

Mouvement (2016)

Livre précédent chez Grasset, avec Franck Nouchi:

Contre-attaque (2016)


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