Magazine Société

Le pas de l'éléphant, de Pierre Crevoisier

Publié le 22 avril 2017 par Francisrichard @francisrichard
Le pas de l'éléphant, de Pierre Crevoisier

A chaque tombée du jour, lorsque les rumeurs du bâtiment s'estompaient, il passait la voir. En écoutant les murs, elle avait fini par deviner son arrivée longtemps avant son entrée, à la démarche qui était la sienne. Un pas lent, profond, comme un pas d'éléphant à la rencontre de l'eau dans le désert du Serengeti.

Elle, c'est une prisonnière. Elle a été torturée, violée. On la laisse tranquille maintenant qu'elle est enceinte. Lui, c'est un officier, mutique. Qui l'a examinée. Quand elle le lui a demandé, il lui a donné de quoi écrire: un crayon et un cahier d'écolier, un de ceux qu'elle avait enfant, un cahier aux feuillets jaunes, chaque ligne tracée par trois fins guides imprimés.

Julien Moreau, journaliste, a pris l'avion, après avoir quitté Louise, comme il les quitte toutes, au bout de deux saisons. C'est sa règle, sa mesure, à cet honnête salaud (elles sont prévenues). Il se trouve en Afrique du Sud. Madiba, Nelson Mandela, vient de mourir. Il est là pour assister à la cérémonie de ses funérailles.

Avec son fixeur, Malan, qu'il connaît depuis dix ans, il se rend dans une colonie de vieux flics échoués dans l'un des townships à la peau blanche. Ce bidonville s'appelle Swierige Hoekie, le coin des fleurs en affrikaans. Ce reportage ne se passe pas du tout comme prévu et... Julien est remis manu militari dans un avion.

Dans un phare de la côte bretonne un corps carbonisé est découvert le 19 mars par un photographe animalier, intrigué que la porte n'en soit pas fermée. Traumatisé, il met un jour pour s'en remettre et alerter la police. La mort remonte au 16. Le commissaire Andràs Werther est chargé de l'enquête.

L'enquête s'avère difficile. Le corps carbonisé est celui d'une inconnue, entre soixante-cinq et soixante-dix ans. Tout porte à croire qu'elle s'est immolée. Le 16, un pêcheur a aperçu un lâcher de papiers du haut des falaises. Le vieux couple des Brouillard, qui garde la Maison-Blanche, toute proche, n'a rien vu.

Pierre Crevoisier prend un malin plaisir à entortiller les fils de ces trois récits liminaires du Pas de l'éléphant avant que la maïeutique de son commissaire ne finisse par les dénouer. Il malmène le lecteur ravi jusqu'au bout, jouant avec le feu et la mer, la violence (inspirée de faits réels ou imaginée) et l'amour tendre, la prose clinique et la poésie:

Avant de tourner le dos au vent du large, je veux attendre l'envol des guillemots, ces drôles d'oiseaux élégants qui ne vivent qu'au milieu de la mer et reviennent ici en hiver pour prolonger leur lignée, ici et nulle part ailleurs, à l'endroit où ils sont nés, retrouvant chaque fois le lieu de leur naissance, le même piton rocheux, la même saillie, au centimètre près.

Francis Richard

Le Pas de l'éléphant, Pierre Crevoisier, 192 pages Slatkine


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Francisrichard 12008 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazine