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L’être de la guerre

Par Balndorn
L’être de la guerre
Lettres de la guerre : de ce vivre ici sur ce papier décrits d’ici-bas. Le titre des lettres écrites pendant la guerre d’Angola par l’écrivain portugais Antonio Lobo Antunes est éloquent : comment faire sentir aux absents l’expérience du conflit dans une terre lointaine ?   Dans son adaptation cinématographique, le réalisateur portugais Ivo M. Ferreira fait le choix du formalisme en noir et blanc, pour mieux déconstruire les clichés du film de guerre et introduire dans ce genre ultra-codifié la subjectivité qui lui manquait.  
Au loin tonnent les canons
À en croire un certain cinéma hollywoodien, la guerre enchaîne les séquences d’action. Or, ce que nous montre Lettres de la guerre, comme tant d’autres lettres de combattants, c’est l’attente, l’ennui et le désespoir qui minent le moral des soldats. Les fantassins portugais envoyés mourir dans de lointaines guerres coloniales pour le compte de la dictature salazariste sont particulièrement touchés par le dépaysement et la nostalgie de la terre natale, cette fameuse saudadecultivée par la littérature de ce pays de marins. 
De la guerre nous voyons surtout l’envers du décor. Les scènes d’action, rares, brillent par la distance que le narrateur-personnage principal garde avec elles : que ce soient l’attaque nocturne du camp portugais couvert par la voix-off chantant l’amour d’Antonio pour son épouse lisboète ou les blessés par une mine que doit soigner le jeune médecin, le combat est toujours lointain, et les ennemis, invisibles.  
Après tout, que combattent ces enrôlés ? « Ici, je perds mes préjugés conservateurs et bourgeois », confie Antonio à sa plume. Lui qui ne connaît rien de l’Afrique découvre des mœurs différentes – la fête au village, les cérémonies initiatiques – et les revendications politiques du MPLA (Mouvement populaire de libération de l’Angola).  
L’expérience subjective de la guerre  
La chronologie minimale du récit laisse libre cours aux pensées et sensations d’Antonio. C’est bien sa subjectivité qui oriente la trame du film, qui organise les images, qui donne un sens à la guerre.  
L’intelligence d’Ivo M. Ferreira est d’avoir toutefois choisi d’élargir le champ de cette subjectivité et de rendre cette dernière inclusive, sans être « universelle ». Le simple fait qu’une voix de femme lise les lettres d’un homme à son épouse neutralise un rôle d’ordinaire essentiellement masculin. En féminisant la parole de l’écrivain, le cinéaste rend son expérience sensible à d’autres personnes.  
Mais cet excès de subjectivité est à double-tranchant pour le film. Si d’un côté il lui permet des envolées lyriques remarquables, telle la longue anaphore « Ma Voie lactée, ma femme, ma fille, ma mère… », il n’évite pas en revanche l’écueil des longueurs. Tout entier suspendu aux lettres d’Antonio, Lettres de la guerre échoue à maintenir l’intérêt du spectateur pour une pensée qui, bien souvent, tend à se répéter.  
L’être de la guerre
Lettres de la guerre, d’Ivo M. Ferreira, 2017
Maxime

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