Le taux de cicatrisation chronique des plaies apparaît même inversement lié à l'utilisation des opioïdes, révèle cette étude de l'Université George Washington. Or les patients souffrant de plaies chroniques douloureuses se voient fréquemment prescrire des opioïdes. Un casse-tête pour les médecins, alors que la prise en charge de la douleur reste bien évidemment essentielle, à la fois pour le confort du patient, pour des raisons biologiques mais aussi pour un bon déroulement du débridement et des changements de pansement.
Les opioïdes sont des analgésiques couramment utilisés chez les patients atteints de plaies chroniques, et pourtant l'impact de l'exposition aux opioïdes sur la cicatrisation des plaies est mal compris. Cette équipe de Washington a donc souhaité étudier l'association entre l'exposition aux opioïdes et l'évolution de la cicatrisation.Cette étude d'observation longitudinale a suivi 450 sujets et pris en compte les données caractéristiques de la plaie dont sa surface totale, le niveau de douleur et l'exposition longitudinale aux opioïdes. L'analyse montre que la surface de la plaie est positivement associée à la dose d'opioïde, même après prise en compte des scores de douleur :
-pour chaque augmentation d'une unité de la dose d'opioïde, la surface de la plaie augmente selon une fonction logarithmique (hyperbole).
-Les patients porteurs de plaies sous opioïdes présentent des plaies en moyenne plus larges que les patients sans traitement opioïde.
-Sur la durée de suivi, les patients qui n'ont jamais reçu d'opioïdes cicatrisent plus rapidement que ceux qui ont reçu des opioïdes,
-Au global, les patients ayant reçu une dose moyenne d'opioïdes ≥ 10 mg ont un risque accru de 33% de ne pas cicatriser vs les patients naïfs d'opioïdes. (HR 0,67) et cela, même après ajustement ave la taille de la plaie.
-Les patients ayant reçu une dose d'opioïde comprise entre 0 et 10 mg conservent un taux de cicatrisation presque similaire à celui des patients n'ayant jamais pris d'opioïdes (HR 0.88).
En conclusion, les analgésiques opioïdes, couramment prescrits aux patients porteurs de plaies chroniques s'avèrent associés à un risque augmenté de ne pas cicatriser. La principale conclusion soit une dose d'opioïde significativement associée à la superficie totale de la plaie ; pose la question et du sens de la relation et de son caractère causal. Une plaie de plus grande surface induit-elle une prescription plus fréquente d'opioïdes ? Ensuite, la prescription d'opioïdes est-elle la cause du retard de cicatrisation ? Le Dr Victoria Shanmugam, professeur agrégé de médecine à l'Université George Washington et auteur principal de l'étude, semble trancher : " Opioïdes signifient retard de cicatrisation ? La séparation dans les courbes de cicatrisation était claire à 26 semaines, avec 36,2% des patients non cicatrisés dans le groupe non exposé aux opioïdes, vs 49,4% de patients non cicatrisés dans le groupe exposé aux opioïdes " . Et à 27 semaines, 54,0% des patients exposés à une dose moyenne de plus de 10 mg d'équivalent morphine par jour n'avaient pas cicatrisé.
Les plaies chroniques sont souvent très douloureuses , et la douleur ne s'estompe qu'avec la cicatrisation. Il est donc essentiel de comprendre cette relation opioïde-cicatrisation et d'adopter si besoin, d'autres stratégies analgésiques. Ici, les chercheurs expliquent que l'activation des récepteurs opioïdes actifs sur les kératinocytes pourraient réguler à la hausse les facteurs de croissance qui jouent un rôle dans la guérison et que la douleur non traitée peut, elle-aussi influer sur la cicatrisation des plaies car elle peut avoir une incidence sur la perfusion et l'oxygénation des tissus et entraver l'efficacité du débridement de la plaie et des changements de pansement.
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