Pratiques sexuelles mécaniques, stéréotypées, plus ou moins influencées par la pornographie ? Rien de bon pour le couple. Surtout si l'objectif à la clé est de le faire durer. Comment sortir de l'amour-sexe, focalisé, formaté, machinal et superficiel ?
Pratiques sexuelles et pornographie sont devenues presque indissociables. De nos jours, dans notre culture occidentale, beaucoup passent par le film X pour s'initier à la sexualité. C'est " une nouvelle forme de rite du passage à l'âge adulte " selon le psychiatre et psychanalyste Serge Tisseron. L'adolescent marque ainsi une rupture avec son innocence juvénile. " C'est fait, maintenant je sais, j'ai vu comment on fait l'amour. " Voilà notre adolescent affranchi. Désormais adulte, il peut enfin démarrer sa vie sexuelle. Oui mais comment ? A partir de quelles références ? L'unique qu'il connaisse, la pornographie ? Car le risque est bien là. On réinvestit inévitablement ce qu'on voit et ce qu'on apprend. Le système cognitif fonctionne ainsi : j'apprends, je reproduis.
Fier de lui, élevé au rang des initiés, notre adolescent va donc reproduire ce qu'il a vu et appris. Il devient quelque part un pseudo acteur porno, c'est à dire un homme capable de donner beaucoup de plaisir à sa pseudo actrice porno, toujours prête à jouir. Performance et jouissance, pratiques sexuelles focalisées sur le génital, tel est le modèle.
Mais quelle déconvenue dans le réel ! Il va s'apercevoir que sa partenaire est une femme, avec des émotions, des pudeurs, des besoins, des ignorances, des peurs, des attentes, des sentiments... bref un être humain dans sa force et ses limites naturelles. Il va s'apercevoir aussi de ses propres limites et il va forcément s'inquiéter et complexer. Comment se fait-il que je ne fasse pas jouir aussi vite ma partenaire, comme l'acteur porno ? Y a t-il en moi quelque chose qui ne va pas ? Les jeunes commencent leur vie sexuelle dans cette pression dévorante. Elle génère l'obsession de l'érection et de la jouissance. Autrement dit le diktat de l'amour mécanique, dénué de douceur et de tendresse.
Même si certains s'en éloignent plus tard, grâce aux conversations, à certaines lectures, et aux prises de conscience lorsqu'ils se confrontent au réel, d'autres restent dépendants de la référence pornographique. D'autant plus que la pornographie, apparue dans les années soixante-dix, outre son accès désormais très facile sur internet, s'est également répandue à la télévision, dans les publicités et les magazines. Cette invasion médiatique fait de la pornographie, qu'on le veuille ou non, une valeur et une référence culturelle dans notre société occidentale.
Chacun à son tour promène ses mains sur le corps de l'autre pour y sentir la chaleur, la texture de sa peau, glissé sur ses courbes.
Une éducation sexuelle complète, qui instruit autant sur le plan anatomique, physiologique, psychologique mais aussi culturelle, éviterait sans doute, cette " objétisation " de la sexualité. Les trois séances annuelles prévues par le ministère de l'éducation nationale sont, en ce sens, très insuffisantes.
En l'absence d'un vraie éducation à l'amour, comment sortir de l'influence pornographique ? La sexologue Thérèse Hargot s'est intéressée aux pratiques sexuelles et au risque de déformation que pouvait avoir la pornographie sur la vision de la sexualité.
Interrogée par Fateema Caprey dans DéfiMédia, elle propose un recadrage en trois étapes. Pour retrouver une image humaine de l'amour, elle explique qu'il est, avant tout, nécessaire de faire une pause.
Se désintoxiquer d'une vision déforméeC'est la première étape. Il faut se désintoxiquer de la vision essentiellement consommatrice de l'acte sexuel. Pour envisager le corps comme autre chose qu'un objet de plaisir organique et mécanique, il faut donc s'accorder une période d'abstinence. En laissant passer du temps, le couple peut changer les règles et les habitudes intimes. " L'objectif est de souffler, de lâcher la pression, de sortir d'une logique du devoir pour se regarder de manière désintéressée " précise t-elle.
Découvrir le corpsAprès cette période d'abstinence, il faut se lancer dans la découverte du corps. C'est la deuxième étape. Parce que le corps n'est pas uniquement une zone génitale, les deux partenaires le touchent et l'explorent dans sa totalité. Ils découvrent ainsi qu'ils possèdent d'autres zones érogènes. En parcourant le corps de l'autre, ils entrent dans une relation à deux. Ils éprouvent des sensations et des émotions nouvelles.
" Pendant dix minutes, chacun à son tour promène ses mains sur le corps de l'autre pour y sentir la chaleur, la texture de sa peau, glissé sur ses courbes. Embrasser ces lieux oubliés " conseille la sexologue. Elle ajoute que ce voyage sensuel est encore plus agréable et intense les yeux bandés. Cela permet un lâcher-prise total. " L'objectif est d'introduire de la sensualité, découvrir le plaisir que peuvent procurer toutes les zones de notre corps et reprendre contact avec la réalité, alors que la pornographie enferme dans un monde virtuel ".
Exprimer ses ressentisLa troisième étape est celle de la communication. Quand la séance des caresses est terminée, les deux partenaires échangent leurs impressions, leurs ressentis. Ils prolongent de cette manière la complicité sensuelle par une complicité verbale. Cette étape aide le couple à mieux se connaître , mieux se comprendre et à dépasser les non-dits et les tabous. La relation prend alors une dimension plus authentique, plus proche, plus profonde. Renouveler régulièrement cette expérience permet de développer le désir et l'accord sensuel dans le couple.
les pratiques sexuelles ne sont pas l'unique expression de l'amour et du plaisir. Il est possible de développer une sensualité enveloppante, épanouissante grâce à cette ouverture sur tout le corps. La peau est un terrain subtile qui foisonne de zones sensibles et délicates, véritables tremplin de tendresse et de désir . Assurément, il y a là un véritable trésor à découvrir pour le couple !
Belle découverte à deux les amoureux !