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Quatre années du chien Beluga et autres nouvelles, de Julien Sansonnens

Publié le 02 mai 2017 par Francisrichard @francisrichard
Quatre années du chien Beluga et autres nouvelles, de Julien Sansonnens

Comment vivre? Il me semble qu'ici et maintenant, j'inhale des bribes de réponses.

Cette phrase tirée de la première nouvelle du recueil, Au Mayen, résume en quelque sorte le propos de Julien Sansonnens. Cet endroit élevé, où on se sent libre et cerné, invite le narrateur à emprunter le véhicule de la contemplation, qui lui apparaît comme le moyen le plus subtil, encore que précaire, pour entrevoir l'Ailleurs... 

Dans Quatre années du chien Beluga (entraperçu dans la première nouvelle), l'auteur fait le récit de la vie et de la mort de Beluga, un chien qui résultait d'un croisement improbable entre un Jack Russel et un bouvier appenzellois et qui a vécu dans l'intimité de la dyade que forment son maître et la compagne de ce dernier.

Comme le titre l'indique, cette vie de chien ne dure que quatre années, ce qui est court, même en l'espèce. Mais c'est suffisamment long pour que le lecteur apprenne la place que Beluga a occupée depuis fin décembre 2012 jusque peu après la naissance de la fille du couple, comme si une existence avait chassé l'autre. 

On ne peut pas dire que l'histoire réserve de surprise puisque, dès la première ligne, le lecteur est prévenu du tragique destin de l'animal aimé: De la naissance du chien Beluga, qui devait mourir quatre ans, deux mois et un jour plus tard, on ne sait pour ainsi dire rien, sinon qu'elle eut lieu le 15 février de l'année 2012.

Aussi l'intérêt de la nouvelle ne réside-t-il pas dans son dénouement, mais dans le chemin de vie de Beluga, dont l'auteur décrit les faits et gestes avec force détails. La description physique initiale qu'il fait de Beluga peut donner une idée de celle qu'il fait du comportement pendant quatre années de cet animal attachant:

L'oeil, légèrement en amande, était d'un marron chaleureux, pupille ronde, rien de félin vraiment, la robe était noire, couleur rouille au milieu du ventre, tête tachetée de rouille encore, marques symétriques sur le museau, deux traits improbables au niveau des sourcils. Le poil était ras, compact comme il faut et bien brillant, teinté de blanc aux extrémités uniquement, pareil à quatre bottes.

La dégradation (physique) de Beluga, qui est le prélude à la fin de son existence, est malheureusement irrémédiable: Malgré des périodes de rémission parfois longues de plusieurs jours, il s'avéra évident que le chien n'allait pas bien, que le trouble était d'ordre neurologique et qu'il allait vraisemblablement mourir.

La dégradation (mentale), qui préfigure la fin de l'existence, est également le thème des deux autres courtes nouvelles du recueil, Résidence Le rayon de soleil et Le lendemain était un dimanche. Mais, cette fois, dans l'une comme dans l'autre, c'est le grand-père du narrateur, placé en institution, qui en est le protagoniste.

Restait seulement sur son visage l'expression d'un désarroi absolu, est-il dit dans l'une, où le mot de sénilité n'est pas employé. Si le corps restait d'une vigueur remarquable, c'est la tête qui devenait malade, est-il dit dans l'autre, le grand-père se rendant compte tout de même, par moments, qu'il est en train de devenir fou...

Le narrateur se pose des questions existentielles sur cette fin de vie: il se demande si tout s'est éteint dans l'esprit de son grand-père, s'il saisit quelque chose de la situation dans laquelle il se trouve, s'il peut encore faire des choix: choisir, c'est continuer de vivre, n'est-ce pas? A moins de choisir de ne pas continuer...

Il serait heureux de pouvoir inhaler des bribes de réponses à de telles questions... et à celle plus lancinante encore: De cette existence, qui gardera la mémoire?

Francis Richard

 

Quatre années du chien Beluga et autres nouvelles, Julien Sansonnens, 112 pages Éditions Mon Village

Livres précédents:

Jours adverses Éditions Mon Village (2014)

Les ordres de grandeur Éditions de l'Aire (2016)


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