Dans
les années 1960, j’ai bien entendu cherché la réponse à cette question dans
quelques rares ouvrages ayant pour thème le zen. Mais la vraie réponse à cette
question, comment méditer, m’a été donnée dans le petit bureau de Graf Dürckheim
lors de mon premier séjour en Forêt Noire en 1967. Non pas, comme dans les
livres, à l’aide de paroles-idées,
mais dans l’accomplissement de ce qu’un maître zen appelle la parole-événement :
« Voilà,
comme vous souffrez actuellement d’un sérieux problème au genou, asseyez-vous
sur l’avant de la chaise ... le dos droit ... dans la tenue la plus juste qui
soit pour un être humain, ni crispé ni avachi et, dans l’absolue immobilité du
corps vivant, le corps que vous êtes (Leib), exercez la pleine attention
(Achtzamkeit) au va-et-vient qu’est la respiration ».
Le
Chemin est la technique ; la technique est le Chemin. Pas de discours, pas de
théorie. Comment méditer ? En, pratiquant la méditation ! Cela n’a rien
d’extraordinaire. L’enfant d’un an, qu’il soit né en Extrême-Orient ou en
Occident, n’a pas besoin d’explications pour faire ses premiers pas ; l’enfant
apprend à marcher ... en marchant.
Pourquoi méditer ?_
Lorsque j’ai demandé à Graf Dürckheim, « Pouvez vous me donner une bonne raison pour méditer chaque jour ? », il m’a répondu « Oui, parce que c’est l’heure ... ! » Cette réponse est en totale opposition avec la multitude des raisons de pratiquer proposées dans les ouvrages qui présentent la méditation de pleine conscience (Mindfulness Meditation). Méditez afin de vaincre l’insomnie ! Méditez pour élargir vos capacités mentales ! Méditez pour assumer le stress dans votre entreprise. Parmi ces buts, il en est un qui me laisse coi : « Le corps des Marines (USA) effectue des recherches afin de voir si la pratique de la méditation de pleine conscience peut améliorer les performances des troupes ! ».
« Méditer
parce que c’est l’heure ! ». Cela signifie qu’il s’agit d’une pratique sans but,
sans pré-méditation, sans conception à l’avance, sans prévisions, sans calcul de
petits bénéfices souhaités par l’ego. Zazen est une pratique méditative qui ne
s’appuie ni sur l’esprit d’acquisition ni sur l’esprit de performance.
Mais
dans ce cas, à quoi bon méditer ? C’est en pratiquant sans but que, depuis une
quarantaine d’années, je fais l’expérience que la
méditation de pleine attention
n’est pas sans effets.
Parmi
ces effets
il est une expérience décisive qui a changé ma manière d’être au monde. C’est le
passage de l’idée illusoire « J’ai un corps » à l’expérience que « Je
suis corps ».
Nous
devrions nous permettre une bizarrerie grammaticale et écrire « JeSuisCorps »
sans intervalles ; parce qu’il n’y a ni distance ni écart de temps entre ce que
nous nommons « Je » ce que nous nommons « Suis » et ce que nous nommons
« Corps ». Ces trois événements sont inséparables, comme « la chaleur est
inséparable de l’eau chaude »
(1)
Expérience décisive ? Oui ! Révélation expérimentale que le mental (mindful signifie avoir conscience “de” ou être conscient “de”) est le domaine de l’agitation, de l’inquiétude latente, du stress, de cet état d’être angoissé qui conduit au burn-out et à la dépression. Révélation expérimentale que JeSuisCorps, le corps qui en ce moment inspire (et moi je n’y suis pour rien) est le domaine du calme intérieur, le domaine de la confiance inconditionnelle, le domaine de la paix intérieure.
Toute personne qui est attirée par le mot « méditation » doit savoir que, contrairement aux idées reçues, les mots attention et conscience ne sont pas équivalents... Jacques Castermane (1).Georges Brunon: "Le geste créateur et l'Aïkido", p. - éd. Savoir Etre ****
