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Responsabilité(s)

Publié le 05 mai 2017 par Jean-Emmanuel Ducoin
Le dilemme? Trancher la tête de qui nous semble insupportable pour la France.Responsabilité(s)Circonstances. Dans le cas présent, autant le dire sincèrement, tout discours «moral» nous apparaît nul et non avenu, car totalement inefficace et assurément contre-productif à maints égards. À quelques heures de voter – ou pas – pour ce second tour si désolant, seule la politique, seul l’avenir doivent se tenir à nos côtés comme ferments de nos réflexions, sinon de notre sagesse. Et encore, à ce point de radicalité des échanges que nous avons chacun autour de nous en tant que preuves palpables d’un moment si particulier de notre histoire et du mode de crispation qui l’accompagne, pourquoi faudrait-il inviter la sagesse dans cette affaire quand, la plupart du temps, il ne s’agit que de réactions épidermiques et de savoir gérer – ou non – l’intelligence des circonstances comme l’unique réalité de ce qui nous est proposé ici-et-maintenant. Ce réel-là, aussi abrupte et absurde soit-il, nous commande a priori de réagir en deux temps. D’abord penser sérieusement au 7 mai et au danger qu’il constitue: s’exprimer dans les urnes, comment, pourquoi et au nom de quoi. Ensuite imaginer ce qui va suivre avec lucidité: tout mettre en œuvre pour consolider le nouvel état de fait que signifie le score de Jean-Luc Mélenchon au premier tour, dans un contexte de trouble profond de l’opinion et de prévisible recomposition de la totalité de l’espace politique, à gauche comme à droite. En somme, et pour résumer: prendre les choses dans le bon ordre et s’en tenir strictement à cela, faute de mieux. Le bloc-noteur, en pleine conscience, n’agira donc pas comme la majorité des Insoumis qui se sont exprimés lors du vote souhaité par Jean-Luc Mélenchon et glissera dans l’urne un bulletin anti-Front nationaliste, sans état d’âme. Notons au passage que le candidat Mélenchon, si souvent accusé d’autocratie par les éditocrates qui ne comprennent rien au processus en cours, a laissé s’exprimer la démocratie jusqu’au bout, sans jouer les gourous ou les donneurs de leçons, ce qui revient plutôt à son crédit. Néanmoins, s’il convient de respecter le résultat de cette consultation, qui n’est pas négligeable, loin s’en faut, ce choix peut apparaître comme le refus de prioriser l’événement. De jouer avec le feu, en quelque sorte…
 Alternative. Ainsi le dilemme n’est pas de choisir entre le candidat de la finance et la cheftaine de la haine incarnée, mais bel et bien de trancher la tête de qui nous semble insupportable pour la France et l’avenir immédiat. Réaliser un acte difficile a-t-il un lointain rapport avec un acte précisément insupportable? Entendons-nous bien. Puisque la gauche a été écartée du second tour – pour des raisons que vous connaissez bien –, nous ne nierons certainement pas ici que l’élection d’Emmanuel Macron reste un poison assez mortel pour installer en nous la tentation du refus d’un tel choix. Oui, Macron poursuivra les réformes libérales annoncées et rajoutera des normes de dérégulation aux normes déjà en vigueur, avec le péril que nous connaissons bien : cela nourrira encore plus le sentiment d’abandon des catégories populaires, d’autant que les inégalités risquent de se creuser encore, avec au bout du chemin, peut-être très rapidement, un surcroît légitime de colères et de ressentiments… Ce piège renforcera-t-il définitivement le Front nationaliste? C’est possible, en effet, l’argument mérite d’être entendu. À un détail près: le climat a changé, le paysage électoral a muté, et désormais une force alternative utile et crédible existe à gauche pour ne pas laisser le champ libre aux argentiers, fussent-ils installés à l’Élysée. Voilà toute la différence. La responsabilité des semaines qui viennent incombe donc, également, à cette gauche de transformation, car elle peut, elle seule, au Parlement et dans la rue, s’octroyer les clefs de la vraie opposition. Franchement, qui peut croire qu’une élection de Fille-la-voilà, avec les pouvoirs qui lui seraient conférés grâce à la Constitution actuelle, serait un «avantage» pour le peuple en souffrance et même pour la gauche? Nous parlons bien là de cette gauche déjà active et prête pour la relève! 
[BLOC-NOTES publié dans l’Humanité du 5 mai 2017.]

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