Amazon Go & distributeurs : disruption ou plutôt coopération ?

Publié le 05 mai 2017 par Pnordey @latelier

Beaucoup voient en Amazon Go une nouvelle menace pour les distributeurs historiques. Et si, en réalité, les futurs clients du géant Américain étaient ces mêmes distributeurs finalement ?

Le 5 décembre dernier, Amazon sortait une vidéo de son futur concept de magasin sans caissier, Amazon Go. Non seulement, le géant du e-commerce présentait un magasin physique pour produits frais, mais surtout, avec une technologie inédite permettant de ne plus avoir à attendre pour encaisser ses produits.

Beaucoup s’interrogeaient alors sur la façon dont Amazon allait ouvrir des centaines de magasins à travers le monde faisant ainsi un pas supplémentaire pour venir dévorer les grands distributeurs historiques comme Walmart ou Carrefour en France...et ne plus se contenter des 7% que représente le e-commerce dans l’industrie de la vente au détail.

Cependant, le jour même, nous avions pu émettre l’hypothèse différente qu’Amazon n’allait peut-être pas vraiment déployer des milliers de magasins en propre mais que la vidéo du premier magasin de Seattle faisait davantage office de démonstration produits à destination des distributeurs classiques. Oui, loin de menacer les magasins Safeway ou Carrefour city, Amazon Go pourrait plutôt, à terme, les équiper !

Amazon a tout intérêt à vendre sa technologie aux distributeurs...

En effet, quel intérêt pour Amazon ? Pour les GAFA, on le sait, les priorités sont à la vitesse (croître le plus vite possible) et à la “scalability” (faire des économies d’échelle exponentielles) par l’innovation et la plateformisation. L’exemple même de cette logique au sein d’Amazon est sa solution la plus profitable du groupe : Amazon Web Services (AWS), l’offre de Cloud d’Amazon qui exploite les milliers de serveurs que le géant de Seattle met à disposition de ses clients. Or rien n’est moins rapide et encore moins rentable que d’installer des milliers de magasins, sans compter la lourdeur de l’investissement (près d’un million et demi de dollars par magasin de produits alimentaires aux États-Unis). D’autant que le métier d’Amazon n’est pas de gérer de l’immobilier commercial urbain. Amazon Go pourrait être au commerce physique ce qu’AWS est au cloud.

Amazon tire ses plus grands profits d’Amazon Web Services

Amazon aurait donc tout intérêt, pour aller vite et se concentrer sur sa valeur ajoutée (l’innovation technologique), à vendre sa technologie aux millions de magasins déjà installés à travers le monde qui représentent près de vingt-deux milles milliards de dollars de ventes, les enseignes des distributeurs classiques.

...Et les distributeurs à l’acheter devenant ainsi clients d’Amazon Go

Si Amazon a tout intérêt à vendre sa solution, il lui faut néanmoins des acheteurs. Les distributeurs seraient-ils prêts à devenir clients de ce qu’ils peuvent considérer comme leur pire ennemi ? Si l’expérience est satisfaisante et convainc les utilisateurs finaux, il faudrait des années aux distributeurs classiques pour espérer atteindre le niveau technologique qu’Amazon a développé. D’ailleurs, dans sa sa vidéo publicitaire Amazon Go commence par déclarer “Il y a 4 ans, on a commencé à réfléchir à ce à quoi ressemblera le shopping si vous pouviez entrer dans un magasin, prendre ce que vous voulez et juste repartir.”. Quel distributeur historique serait capable d’obtenir le même niveau d’innovation technologique plus rapidement qu’Amazon lui-même ? D’autant qu’Amazon a breveté sa technologie et ne dévoile pas ses secrets pour autant. Les distributeurs, s’ils veulent pouvoir offrir ce type d’expérience à leurs clients, devront, eux aussi, passer par Amazon, et devenir ses clients.

Amazon bientôt dans le caddie des distributeurs historiques ?

Contrairement à ses autres initiatives comme Amazon Fresh PickUp, avec Amazon Go, l’entreprise dirigée par Jeff Bezos pourrait donc bien disrupter l’industrie de la distribution avec les distributeurs et non, uniquement, contre eux. Nous verrons bien ce qu’il en est dans les prochains mois et surtout si l’expérience futuriste imaginée et proposée par Amazon correspond véritablement à ce que les consommateurs veulent comme expérience de shopping.

Le cas échéant, la grande question sera ensuite de savoir si Amazon pourrait capter les données et les paiements des consommateurs auprès des commerçants. Si c’était le cas, le géant de Seattle serait alors une sorte de système d’exploitation des magasins au même titre que l’autre géant de Seattle, Microsoft, est le système d’exploitation de près de 90% des ordinateurs de nombreuses marques comme Lenovo, HP ou Dell. Est-ce qu’Amazon vendrait sa solution sous licence ou avec un modèle à la commission ? Le deuxième modèle, celui d’Amazon en ligne, est le plus impliquant. Les distributeurs historiques comme Walmart et Carrefour ne seraient alors plus que des commerçants comme les autres sur la plateforme Amazon. Les marges des distributeurs ne seraient réduites par le coût d’Amazon Go que si la technologie n’occasionnait pas, dans le même temps, de réduction de coûts de main d’oeuvre.

Amazon réussirait alors la prouesse, par la stratégie du cheval de Troie, de transformer ses concurrents, non seulement en clients mais, plus encore, en sous-traitants. La thèse de la fusion entre le commerce en ligne et le commerce physique serait alors bien pleinement accomplie.