

Extrait : "Plus tard, il s'installa à son bureau en mourant d'envie d'écrire un poème sur les porcelets, mais pas un poème comique. Ce serait un poème intimiste, qu'il garderait secret, car il suffisait de prononcer le mot « cochon » pour que certaines personnes souffrant d'un incompréhensible complexe de supériorité se mettent à pouffer de rire. Le cochon était non seulement comestible, mais aussi méprisable. Il bouillonnait d'indignation lorsqu'il s'agissait de défendre les cochons. Les rejetons de la race humaine chient dans leurs couches au moins pendant toute la première année. Mais qui donc se moque de ses semblables ? Comment écrire un poème motivé par la rage ? Selon les historiens, le cochon constitua la vraie raison de la ruée vers l'Ouest. Sans cochon, il n'y aurait pas eu de côte Ouest. Les cochons suivaient les convois de chariots, l'esprit obnubilé par la poignée de maïs qu'on leur donnerait en guise de dîner. Ils fouillaient le sol à la recherche de légumes comestibles pendant que le bétail s'éloignait en rêvant à de plus vertes prairies."
Jim Harrison - Le vieux saltimbanque, Flammarion, 144 pages, 15€