Bruno et Michel sont deux demi-frères qui ont mis du temps à se retrouver, blackboulés dans des vies bien séparées. Le premier est divorcé, professeur de littérature et surtout totalement, irrémédiablement, absolument obnubilé par la recherche frénétique de la jouissance sexuelle. Le second est un scientifique en rupture avec la société, traumatisé par la mort de sa grand-mère qui l'a élevé et incapable d'entretenir une relation normale avec qui que ce soit. Sur cette idée de base, Michel Houellebecq a signé il y a vingt ans (1998) un roman tout à fait incroyable qui aurait tout à fait pu lui octroyer le Goncourt (prix qu'il gagnera néanmoins en 2010 avec "La carte et le territoire", un roman bien plus sage et moins personnel qu'il semblerait presque avoir lissé pour séduire les membres du jury). Mais passons sur ces considérations anecdotiques, ce n'est pas un prix qui fait un bon bouquin, ça se saurait...
Bref, Michel Houellebecq a frappé un grand coup avec ce bouquin. Après "Extension du domaine de la lutte" qui mettait déjà en place les ressorts qui intriguent le bonhomme, les aspects de notre société malade qui l'interpellent, le romancier va ici encore plus loin. Son propos se généralise, il permet à l'auteur de sortir d'une première intention louable mais encore un peu étroite pour prendre toute la mesure des obsessions qui l'habitent. Certains ont voulu chercher une intrigue dans ce bouquin, il faut pourtant aller un peu plus loin Les lecteurs qui ne sont pas capables de voir plus loin que le premier degré ne devraient pas être encouragés à ouvrir un bouquin de Houellebecq, à fortiori celui-ci. Le paysage social dépeint dans ce livre est certes plutôt grisonnant, voire grisâtre mais il est d'une cohérence indéniable.
Que les choses soient claires : je ne suis pas fan de Houellebecq et je me contrefout des querelles de clochers entre intellectuels bobos et crétins bobos qui se déchirent à son endroit. On en a fait des tonnes sur le passage de "L'Islam la religion la plus bête et la plus obscurantiste" en passant sous silence les naufrages des relations humaines vouées à l'échec que ce roman narre avec brio. Houellebecq, à l'inverse de nombreux auteurs amis du show-business, se fiche d'être politiquement correct. Et c'est drôlement agréable. Ce livre-là est le meilleur que j'ai pu lire de cet auteur jusqu'à présent et m'a réconcilié avec la petite déception de "La Carte et le Territoire". Même si les scènes de cul sont un peu trop longues et nombreuses à mon goût mais c'est un détail.
Extrait : La solution des utopistes – de Platon à Huxley, en passant par Fourier – consiste à éteindre le désir et les souffrances qui s’y rattachent en organisant sa satisfaction immédiate. A l’opposé, la société érotique-publicitaire où nous vivons s’attache à organiser le désir, à développer le désir dans des proportions inouïes, tout en maintenant la satisfaction dans le domaine de la sphère privée. Pour que la société fonctionne, il faut que le désir croisse, s’étende et dévore la vie des hommes.
Michel Houellebecq - Les particules élémentaires, Flammarion, 393 pages, 20 €