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New York 1997. Rebelle au pays de Reagan

Par Balndorn

New York 1997. Rebelle au pays de Reagan
Snake Plissken : T-Shirt noir moulant sous lequel roule la mécanique musculaire, cheveux au vent, bandana sombre sur son œil borgne. Un héros badass.Mais un badass rebelle. Si John Carpenter reprend les codes du naissant genre des actioners dans New York 1997, c’est pour mieux en détruire le discours reaganien.
Un blockbuster subversif
Comme bon nombre de films d’actions, New York 1997 prend pour cadre la ville emblématique de la côte Est. Mais à la différence d’un film comme Die Hard : Belle journée pour mourir(John McTiernan, 1995) où les méchants terroristes attaquent Wall Street, New York ne présente pas le visage idéal de la démocratie libérale américaine, mais plutôt son envers. Dans cette cruelle dystopie, l’île de Manhattan est devenue en 1988 – la dernière année de mandat possible pour Reagan si l’on se place dans la perspective de 1981, année de sortie du film – une gigantesque prison où s’entassent les détenus de tout le pays. Wall Street, Broadway, le World Trade Center : autant de symboles du capitalisme reaganien que Carpenter s’amuse à renverser en repaires de truands.Cette inversion fonctionne comme un miroir de la « révolution conservatrice » de Reagan. Alors que ce dernier dérèglemente et privatise à outrance, transformant l’économie nationale en vaste champ de bataille où les gros mangent les petits, le New York de Carpenter devient l’image même, dans sa nudité métaphorique, de la jungle néolibérale. Manhattan fait figure de western, où « sauvages » et « Peaux-Rouges » s’affrontent à coups de battes de baseball et de pavés, sous le regard fixe de la police, qui veille scrupuleusement à ce qu’aucun détenu ne s’échappe de l’île. 
Anarcho-primitivisme
Domine alors la force brute, dans un monde où l’État-Providence a laissé place à un État sécuritaire soucieux de militariser ses frontières. L’événement déclencheur de l’intrigue pousse la logique reaganienne jusqu’au bout : l’avion du Président des États-Unis, victime d’une attaque terroriste, s’écrase en plein Manhattan ; on envoie alors un nouveau prisonnier, Snake Plissken (Kurt Russell), exfiltrer le Président. Livré à la sauvagerie que sa politique a entretenue, le président reaganien doit à son tour entrer dans la fosse aux lions.Cependant, la chute du Président n’apporte pas son lot habituel d’emphase dramatique. La mise en scène et la musique toute en plages dissonantes de Carpenter privilégient au contraire la sobriété, froide et mécanique. Le primitivisme fascine. Manhattan est tout à la fois enfer et lieu de renouveau.Ce renouveau passe dans le renoncement aux émotions. Le visage impassible de Snake présente l’image vers laquelle tend l’humanité à l’heure de la décomposition sociale : l’anti-héroïsme cynique et égoïste érigé en morale personnelle. Un univers aux couleurs froides, à la photo contrastée, tel ce gros plan sur le visage de Snake en rouge et vert dans la cabine de son planeur, où le trouble perceptif se dispute avec la beauté d’un visage minéral. La révolution conservatrice entraîne la fin d’un monde, mais non la fin du monde. Dans le laboratoire new-yorkais émerge un nouveau genre d’individus, dont Snake forme l’archétype : certes froid et brutal, mais puissamment actif face à la militarisation de l’État.New York 1997. Rebelle au pays de Reagan
New York 1997, de John Carpenter, 1981Maxime

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