Depuis près d’un an, nous avons enquêté sur le respect du droit de manifestation pacifique en France. Le constat est sans appel : l’application de l’état d’urgence et un usage disproportionné de la force ont restreint ce droit fondamental de manière préoccupante.
Le droit de manifester est un droit fondamental, indispensable à la liberté d’expression, et à la possibilité de revendiquer ses opinions et ses droits. Il ne peut être restreint qu’à des conditions très strictes . Les autorités ont pour responsabilité de protéger tous nos droits fondamentaux, pourtant, ils sont de plus en plus présentés comme secondaires voire comme des menaces qu’il faudrait donc limiter. (source)
Jamais je n’aurais cru avoir à rédiger pareil article, sur un tel sujet, dans mon propre pays. On s’attend à ce genre d’atteintes graves aux droits les plus fondamentaux dans des pays autoritaires. Il semblerait pourtant que notre pays en devienne un, sous nos yeux ébahis, impuissants. Bien sûr, les militants les plus aguerris (sic) parmi nous le savaient déjà, et ne seront pas très étonnés à la lecture du rapport qu’Amesty International vient de publier. Mais cela va mieux en le voyant écrit, et nos maux, nos craintes, notre colère, mis en mots clairs. Nous avons tous en effet fait les frais à des degrés divers des pratiques abusives dénoncées ici.
Les traces encore bien vivaces des innombrables violences policières observées notamment, en quantité hallucinante, pendant les manifestations contre la loi El Khomry, sont là pour en témoigner. Mais le grand public, pas forcément aussi politisé, ou moins présent dans les luttes, sur le terrain, ne peut en appréhender que ce que lui donnent à voir des médias au regard biaisé par l’appât du sensationnel…. Quand il ne s’agit pas de donner à voir exclusivement ce qui correspond à la vision des forces dominantes de notre pays.
Les images de casseurs isolés brisant des vitrines sont certainement beaucoup plus vendeuses et correctement adaptées à ce que l’on attend des serviteurs du journal de 20H00. Elles servent davantage les pouvoirs en place. Mais elles ne sont que des conséquences, et non des causes, car les plus avertis de la chose dont on cause ici savent bien que d’autres images et séquences vidéos, démentant le discours officiel, ont circulé sous le manteau des réseaux sociaux, en quantité impressionnante au point d’avoir à nourrir des archives, pour des générations, de Riot Porn.
On y a vu plus que de raison des agents des forces de l’ordre commettre des actes de violence gratuite, et utiliser des pratiques soi-disant « novatrices » qui objectivement brisent le droit de manifester des opposants les plus pacifiques, les dissuadent de persévérer, instituant une logique de la peur que je ne connaissais pas auparavant dans des manifestations autrefois bien plus « bon enfant ». Je comprends que des gens disons « moins frontaux » que moi hésitent aujourd’hui à manifester leur opposition à des lois pourtant de plus en plus scélérates et socialement injustes…
C’est aussi mon avis. Mêmes les journalistes les moins suspects de subversion ont été obligés d’en convenir, puisqu’ils en ont parfois fait les frais.
Le rapport de force autrefois plus favorable aux masses populaires, craintes par les pouvoirs en place, et aux syndicats, plus représentatifs, est en train de s’inverser dangereusement, et des gouvernements plus technocratiques et cyniques tentent d’influencer à leur avantage l’opinion publique par des images défavorables aux mobilisations sociales, ceci afin de préserver les intérêts financiers des classes dominantes. D’où leur hargne à tenter de museler les journalistes indépendants, dont les images sont moins aisément maîtrisables que sur, au hasard, une chaîne de télévision publique, ou même privée mais soumise aux intérêts du grand capital, dominants, qui ont intérêt à décrédibiliser nos luttes.
Alors, en l’espèce, oui, très clairement, la loi d’exception qu’est l’état d’urgence, quand elle devient la règle (2 ans, déjà…) sert à tout autre chose qu’à lutter contre la menace terroriste, des seuls djihadistes qui plus est, alors qu’un autre terrorisme est tout autant à craindre. Mais nos pouvoirs nationaux ont des ennemis bien plus dangereux, plus prioritaires à leurs yeux, visiblement, que l’extrême droite…
La charge d’Amnesty est sévère, mais juste, et justifiée. Les faits sont établis, analysés, démontrés, quantifiés, qualifiés. Les personnalités politiques de tous bords ne peuvent plus dorénavant se cacher derrière leur petit doigt, inventant de fantasmagoriques nuées de blacks blocs casseurs contre lesquels il s’agirait de se prémunir et d’agir, encouragés en cela par des journalistes peu scrupuleux qui ne rendent plus compte de la globalité de la réalité observable. Au point que de plus en plus de personnes préfèrent s’informer, avec les risques d’égarement dans le complotisme que cela inclut, sur le net plutôt qu’auprès des journaux mainstream, télévisuels.
Amnesty clame haut et fort, à l’approche des législatives, pour créer du débat, comme c’est son rôle en matière de droits humains, ce que nous sommes nombreux à craindre : et si cette manière de plus en plus effroyablement sécuritaire de gérer les mobilisations sociales servait à autre chose qu’à garantir la sécurité de tous, c’est à dire, y compris des manifestants ?
Nous voyons bien, tous, le danger se profiler, qui consiste à tenter de nous faire taire, de nous empêcher physiquement de protester trop visiblement, à l’approche d’un non-débat précipité sur la loi travail 2, hautement idéologique s’il en est. Il ne s’agit pourtant que d’un autre avatar de cette escroquerie politique qu’est le macronisme, qui accomplit l’exploit de se présenter en ultime rempart démocratique, alors que sa nature ne l’est pas, puisqu’elle procède d’une autre forme de violence, économique celle-là. Cette prochaine réforme que les adeptes de La Secte tentent de nous vendre comme un pragmatisme alors qu’il ne s’agit que d’une offensive libérale pur jus destinée à rogner encore plus nos droits, et à les aligner dans une logique de moins disant social obéissant servilement aux diktats de la technocratie européenne, dont on voit bien ce qu’elle a donné en Grèce et ailleurs, nous sommes nombreux à la contester, à y voir clair. Son injustice est grande, qui consiste à entériner une cruelle logique de régression sociale, instituant officiellement la précarité comme règle, et non comme exception, pendant que dans le même temps les droits des des plus riches, mêmes les plus illégaux, ou les plus moralement répréhensibles, y compris au plus haut sommet de l’état, sont quant à eux si incroyablement préservés, nous le voyons tous. Cela génère une colère immense et sourde qui trouve plus seule réponse un mur d’arrogance, de cynisme, et de refus des droits humains les plus fondamentaux. je crains que cela ne se paie de bien monstrueuse manière… On ne peut pas impunément fouler aux pieds si durablement, et visiblement comme c’est actuellement le cas, les libertés publiques et refuser à la réaction populaire que cela entretient une issue d’expression. Elle n’a pas trouvé d’issue dans les urnes, avec un président réduit et élu aux acquêts, et on lui refuserait le droit de s’exprimer dans la rue ? Voilà une curieuse manière bien peu responsable de veiller sur la cocotte-minute qu’est notre société française… Voilà ici décrit le visage effroyable d’une forme de fascisme insidieux qui ne dit pas son nom…