« From a distance these things, these Movements take on a charmthat they do not have close up - I assure you. »Marcel Duchamp, Letter to Ettie Stettheimer, 1921

D’aucuns interrogent la validité de cette compagnie. Mais Belle Époque oblige, c’est le règne de l’insouciance qui égare les esprits. Les petits porteurs avides de gros profits se précipitent sur les actions. À la Bourse de Paris, le cours d’Action Poétique ne cesse de monter jusqu’en 1909 où le scandale arrive, la bulle éclate, le cours dévisse puis s’effondre. Les actions d’Action Poétique se révèlent être l’ancêtre des « junk bonds », en français obligations dites « pourries ou poubelles » telles que l’économiste John Kenneth Galbraith les décrit dans son ouvrage « Les mensonges de l’économie : Vérité pour notre temps » (2004) – « The Economics of Innocent Fraud : Truth for Our Time ».
Arrêté par la police, Gustave Floué d’Action Poétique affirmera lors de son procès : « Que voulez-vous, de nos jours, les muses sont corrompues, les fleurs vénéneuses et les fleurs putrides », d’où le concept financier d’obligation à haut risque ainsi nommée obligation pourrie en hommage à la putréfaction des fleurs. L’escroquerie d’une telle Action souille par son blasphème, l’éternel emblème de la poésie.
Morale de l’histoire : l’adage selon lequel la poésie serait une activité désintéressée et étrangère à toute idée de profit est une imposture. Ironie de l’histoire : happening sans foi ni loi, Action Poétique est désormais considérée comme l’ancêtre de la toute première start-up de l’histoire. Fondée à New York en 1920, la dite start-up est une société anonyme enregistrée sous le nom de Société Anonyme, Inc. Les fondateurs de cette tautologie commerciale ont pour nom Katherine Dreier, Man Ray et Marcel Duchamp. Mais ceci est une autre histoire.
