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Afrique du Sud : les incohérences de la réforme agraire

Publié le 07 juin 2017 par Unmondelibre
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L’interdiction de la propriété des terres agricoles aux étrangers et la création d'un cadastre, fondé sur la race et le genre des propriétaires fonciers, font partie des propositions contenues dans le nouveau projet de loi sur les terres agricoles, parrainé par le Département du développement rural et de la réforme agraire. The Free Market Foundation avait récemment commenté qu’une telle loi viole la Constitution et l’état de droit.

Le projet de loi fait partie de la liste des mesures redistributives prises par le gouvernement dans une tentative de prendre à certains pour donner à d'autres. Frédéric Bastiat avait baptisé un tel agissement : «la spoliation légale». La redistribution en Afrique du Sud est un phénomène historique, car des terres matérielles tangibles et identifiables ont été retirées à des Sud-Africains noirs, et ces terres doivent être restituées à leurs propriétaires légitimes et identifiables. La restitution, et non la redistribution, est la bonne approche de la réforme agraire que le gouvernement devrait adopter.

Bastiat a écrit dans son travail magistral de 1850,  La Loi que : «Il est bien évident, que la loi devrait avoir pour but propre d'utiliser le pouvoir de la force collective pour contrer cette tendance fatale à la spoliation au lieu du travail. Toutes les mesures de la loi devrait protéger la propriété et punir la spoliation ». La constitution de l’Afrique du Sud est conforme à ce but propre de la loi.

Pour justifier l'engagement de l'État dans la redistribution de la richesse, les dispositions relatives à l'égalité (article 9) et aux droits de propriété (article 25) de la Constitution sont les plus fréquemment évoqués. Il s’agit d’une interprétation erronée et pervertie de la jurisprudence et du développement du concept de constitutionnalisme durant des siècles.

L’article sur l'égalité dispose, tout d'abord, que tous les citoyens sont égaux devant la loi et, deuxièmement, que des mesures législatives peuvent être prises pour promouvoir la réalisation de la «jouissance égale de tous les droits et libertés» contenus dans la Déclaration des droits. L’article relatif aux droits de propriété protège non seulement la propriété privée des biens, mais prévoit également que les injustices de l'apartheid soient réparées, que la sécurité de l’exploitation soit sauvegardée et que la restitution des biens ait lieu. Aucune de ces dispositions ne requiert ou n'implique une redistribution globale de la richesse et des biens acquis légitimement par les propriétaires. Au contraire, ces dispositions protègent les individus et les communautés de l'ingérence oppressive de l'État et permettent à ce dernier de corriger ses propres méfaits passés tout en respectant les droits existants.

Le projet de loi viole les droits de propriété des étrangers et exige que les propriétaires fonciers se classent eux-mêmes sur la base des critères de race et de genre trahissant ainsi les valeurs non raciales et non sexistes de la Constitution. La clause sur les droits de propriété, contrairement à d'autres dispositions qui se réfèrent en particulier aux «citoyens», prévoit que «personne» ne sera privé de ses biens, et précise que la nationalité n'a aucune incidence sur le droit de propriété en Afrique du Sud. Le projet de loi est donc incompatible non seulement avec l'esprit de la Constitution, mais avec le texte lui-même.

Un phénomène crucial du contexte post-apartheid, que la classe politique ignore, est que la réforme agraire s'est déroulée en dehors des programmes gouvernementaux. Un nombre croissant de Sud-Africains noirs vivent maintenant dans les anciennes banlieues « blanches » ou les banlieues établies dans les années post-apartheid. La carte interactive mise en ligne par Adrian Frith, basée sur le recensement de 2011, illustre bien cela. Alors que la parité complète n'a pas été - et ne sera jamais - atteinte, l'apartheid spatial dans les banlieues est une chose qui appartient au passé.

Quant aux «townships», il s’agit d’une histoire entièrement différente. Des millions de Sud-Africains noirs continuent à vivre sous un quasi-état d’assignation à domicile dans ces quartiers, que ce soit en tant que locataires dans leur propre maison, ou en n’étant tout simplement pas autorisés à vendre leurs maisons pour rechercher des pâturages plus verts. Des dizaines de formes de régime d'apartheid continuent de régir ces zones et restent essentiellement inchangées jusqu'à ce jour. Cela peut rapidement être résolu par le gouvernement s'il attribue aux parcelles incontestées le statut de pleine propriété.

Comme le prévoit la loi foncière de l'apartheid, dans la partie relative aux terres agricoles, celles-ci ne peuvent pas facilement être subdivisées en petites parcelles pouvant être vendues à un prix abordable. Ainsi, les propriétaires fonciers sont toujours tenus d'obtenir l'autorisation du ministre pour le faire. Cela maintient l’Afrique du Sud agricole dans une relation paternalo-autoritaire avec le gouvernement, à un moment où nous sommes censés nous émanciper des pesanteurs du passé.

L'apartheid a été caractérisé par son refus de droits de propriété aux Sud-Africains noirs. Aujourd'hui, nous vivons dans un ordre juridique qui garantit le droit des particuliers de posséder des biens, avec toutes les jouissances qui en découlent. Cependant, notre gouvernement post-apartheid montre systématiquement son mépris pour cet état de choses et, avec des propositions telles que ce projet de loi sur les terres agricoles, il est clair que la préférence de la classe politique va vers un retour à l'ancienne façon de faire des choses.

Van Staden, directeur de Studends for Liberty, Afrique du Sud. Article initialement publié par la Free Market Foundation – Traduction réalisée par Libre Afrique – Le 7 juin 2017.


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