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527ème semaine politique: pourquoi Macron devrait craindre les pleins pouvoirs

Publié le 10 juin 2017 par Juan

527ème semaine politique: pourquoi Macron devrait craindre les pleins pouvoirs  

Où il est question d'un parallélisme qui finit par devenir gênant entre les débuts des quinquennats Macron et Sarkozy, à une décennie d'intervalles. Premières affaires, premières annonces, premiers mensonges et vieux espoirs.


Le hold-up démocratique
Les élections législatives débutent avec une semaine d'avance pour les 11 circonscriptions des Français de l'étranger. Dans la plus grande indifférence générale. L'abstention y atteint des niveaux records, inégalés en République pour pareil scrutin, moins de 20% des inscrits se sont déplacés, et les rares votants ont plébiscité, sans surprise, les candidats macronistes. Comme si ces premiers Français-là semblent résignés, fatigués, pressés de passer à autre chose. Cette Berezina démocratique n'émeut pas grand monde. "Grand schelem pour Macron!" braillent quelques éditocrates.
Et pour la démocratie ?
La machine sondagière marche à plein. On nous promet un raz-de-marée macroniste, une majorité avec 80 ou 90% des sièges avec seulement un tiers des suffrages. Rares sont celles et ceux qui rappellent l'incohérence et le danger démocratique: voici un président élu grâce à sa qualification au second tour avec environ 15% des inscrits, qui est désormais en passe de convaincre 18 ou 20% des suffrages inscrits aux élections législatives (si l'abstention à ce scrutin n'est pas plus forte qu'aux tours présidentielles) et remporter in fine une écrasante majorité à l'Assemblée. In fine, tous les pouvoirs seront donc concentrés dans les mains d'un homme, d'une seul - car En Marche ne tient que grâce à Macron - qui n'a pas le soutien politique de plus de 20% des adultes de ce pays.
Que se passera-t-il à la première "réforme" ? Comment la rage s'exprimera-t-elle ?
Macron n'est pas responsable de cette illégitimité démocratique. Mais il pourrait être le premier à en payer le prix fort. Nicolas Sarkozy était l'élu d'une coalition. François Hollande aussi. Deux présidents qui ont été portés à l’Élysée, et qui ont remporté une large victoire à l'Assemblée, sur la base d'assises politiques composées de partis, de mouvements, de projets. En Marche n'est rien de tout cela. Et ce n'est pas une critique que de le constater. C'est même sans doute l'un des attraits de ce mouvement.
Mais par un hold-up démocratique dont cette Vème République a le secret, le président élu, appuyé par une majorité parlementaire largement politiquement inexpérimentée et sensible aux lobbies, va se confronter à la réalité d'un pays fracturé.
Sans surprise, sa première décision est de centraliser les pouvoirs de la lutte anti-terroriste entre ses mains.
Marine Le Pen n'aurait pas fait mieux.
Sarkozy 2007
"C'est moi, en mieux". Ainsi aurait commenté Sarkozy à propos des premiers pas de Macron président. Nous n'avons pas attendu Nicolas Sarkozy pour reconnaître, effectivement, les mêmes travers et le même talent. Le jeune monarque suit les pas de l'ancien, le sourire et la bonhommie en plus, ce qui n'est rien: "ces gens-là vous tuent le sourire aux lèvres" explique Melenchon. Il n'est pas exagéré de louer son ambition de rassembler, débattre et d'éviter de cliver davantage, par son verbe, une société déjà fracturée. Il serait tout aussi exagéré d'ignorer ce que cette bienveillance cache comme projet politique.
Macron 2017 est un Sarkozy 2007, mais "en mieux". Certains ont oublié ce qu'était Sarkozy il y a 10 ans, avant les outrances de la période Buisson (2010-2012), le discours de Grenoble et la dérive sécuritaire. Le Macron 2017 triangule la gauche et la droite mieux que le Sarkozy 2007 ne le faisait. Il rallie les centres, la droite et la droite de gauche mieux que l'ouverture si timide du Sarkozy 2007. Grisé par son premier succès, il commet déjà ses petits dérapages - ah si l'épisode "comorien" avait été sarkozyste... que n'aurions nous entendu !
Le 10 juin 2007, nous écrivions notre 5ème chronique hebdomadaire sur ce simple constat, les dangers des pleins pouvoirs. Nous ne contestions pas "l'exigence démocratique du Président élu", nous pointions "juste les indices de la dérive, les dangers qui nous menacent".  Sarkozy venait d'annoncer son "paquet fiscal" et ses premières mesures sécuritaires.
Entre les élections présidentielles et législatives, le premier gouvernement Sarkozy avait détaillé son projet de TVA sociale. L'équipe Macron préfère ne pas dévoiler les détails de sa loi Travail.
Le Macron 2017 évite les Ray-bans du Sarkozy 2007, mais comme son illustre ancêtre, la communication est plus importante que l'action: prenez la réforme du code du travail. Il y a du stress. Il suffit que divers journaux publient les pistes de travail avant l'annonce officielle pour que le ministère du Travail, chose inouïe, porte plainte ! Voici qui témoigne d'une attitude inquiétante quand le même gouvernement aura les pleins pouvoirs.
Mardi, Macron a fait dévoiler par son premier ministre les "grands axes", jamais le détail, de son projet de "rénovation du modèle social": le document de 5 pages révélé à la presse est ultra-précis sur le calendrier des réunions, et la presse s'arrête et commente jusqu'à la nausée les "48 réunions d'ici l'été" pour la réforme du code du travail. Sur les ondes de France inter, la ministre du travail, une ex-DRH de chez Dassault, ne répond pas quand on la questionne sur le caractère intrinsèquement inégalitaire de la mesure phare de cette loi, l'inversion de la hiérarchie des normes. Ouvrir aux entreprises la possibilité de mettre en place des conditions de travail moins avantageuse que celles négociée aux niveaux des branches est inégalitaire. On le répète depuis la loi El Khomri. Qu'importe, Macron déroule son projet: l'entreprise est le lieu pour répondre "de manière pertinente aux besoins spécifiques des salariés et des entreprises".
Sans évoquer la lutte des classes permanente, la négociation des conditions de travail entre employeur et employés au niveau de chaque entreprise est plus avantageuse pour l'employeur, dans un pays sous-syndiqué et avec un chômage massif comme le nôtre. Et que dire des 55% de la situation des TPE et PME ? La ministre refuse de répondre. Elle répète les éléments de langage, Edouard Philippe promet de "simplifier et renforcer le dialogue économique et social et ses acteurs" et de "sécuriser les relations de travail, tant pour les employeurs que pour les salariés".
Cette "rénovation" est une restauration, un retour à l'ordre ancien, et il faut remonter loin, très loin dans le passé pour retrouver pareille situation.
Puis 5 autres lois vont suivre: transferts des cotisations maladie et chômage sur la CSG au 1er janvier2018 (bonjour les retraité(e)s !); un renforcement de la formation professionnelle; l'élargissement progressif de l'assurance-chômage aux démissionnaires et aux indépendants à partir de mi-2018 mais la mise en oeuvre parallèle d'une sanction pour les chômeurs refusant deux offres "raisonnables" d'emploi; une réforme de l'apprentissage et, bien sûr, une réforme des retraites dont on promet qu'elle simplifiera tout et allongera davantage les durées de cotisations et l'âge de départ.
En matière sécuritaire, après un énième attentat, encore à Londres, qui coûte la vie à 7 civils dont 3 Français, Macron promet une nouvelle loi sécuritaire qui pérennisera les exceptions à nos libertés civiles que l'état d'urgence autorise. Aucun bilan de l'efficacité de l'état d'urgence n'est proposé. Pire, le jeune monarque met en place cette semaine un nouveau conseil de défense qui centralise les autorités de lutte contre le terrorisme à l'Elysée.

Le jeune monarque consacre la même énergie à simplifier le droit du travail qu'à complexifier l'arsenal sécuritaire. A qui cela profite-t-il ?
Les sauveurs n'ont jamais réussi à la France.
Ami(e) citoyen(ne), où es-tu ? 


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Le nouveau Garde des Sceaux le restera-t-il longtemps ? Jeudi, France Info affirme qu'une dizaine d'assistants parlementaires européens du MODEM dirigé par François Bayrou, nouveau ministre de la Justice de Macron, étaient des emplois fictifs. Boum ! Catastrophe ! Le numéro trois du premier gouvernement Macron, de surcroît en charge de la Justice, accusé de l'exacte même grief que Marine Le Pen, quelle tristesse...


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