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Three Girls (2017): Éviter de justesse le précipice

Publié le 12 juin 2017 par Jfcd @enseriestv

Three Girls est une nouvelle série de trois épisodes qui a été diffusée du 16 au 18 mai sur les ondes de BBC One en Angleterre. Le titre fait référence à Amber (Ria Zmitrowicz), sa sœur Ruby (Liv Hill) et principalement Holly (Molly Windsor) qui adolescentes au milieu des années 2000 ont été victimes de viols à répétition par au moins douze hommes d’origine pakistanaise. Mais bien qu’elles aient eu le courage de dénoncer leurs agresseurs, la police n’a jamais poussé l’enquête plus loin et il faudra attendre environ cinq années avec que les choses ne bougent. Trop peu trop tard ? Inspiré d’événements étant survenus dans la ville de Rochdale dans le grand Manchester, Three Girls nous montre de façon poignante le très long chemin de croix de ces fillettes et les humiliations infligées en cours de route, lesquelles ne sont pas qu’imputables aux violeurs, mais bien à un système judiciaire et policier tout entier. Mais c’est en privilégiant les victimes dans le scénario et non les conséquences politiques entourant l’enquête (et le jugement) que cette nouveauté de la BBC vaut sans conteste le détour.

Three Girls (2017): Éviter de justesse le précipice

L’incompréhensible inertie

Comme la plupart des adolescentes de 15 ans, Holly est en rébellion contre ses parents et surtout contre Jim (Paul Kaye) son père autoritaire. C’est lors d’une fête chez son petit copain qu’elle fait la rencontre d’Amber et de Ruby qui la « dévergondent » en la présentant à celui que l’on surnomme « Daddy » (Simon Nagra), propriétaire d’un casse-croûte très accueillant. En effet, dès qu’elles arrivent chez lui avec des copines, il leur sert de la vodka et leur donne tout ce qu’elles veulent à manger… pour éventuellement leur faire payer la note en nature. D’abord horrifiée, Holly se prête au jeu (l’alcool aidant), mais lorsqu’elle se décide enfin à porter plainte aux autorités, c’est comme si sa réputation de mauvaise fille la précédait et c’est à peine si la police questionne l’accusé plus de quelques heures. Seule Sara Rowbothman), une travailleuse dans un centre de santé sonne l’alarme en réunissant elle-même les témoignages d’un nombre inquiétant de jeunes filles victimes des mêmes sévices que Holly. En vain puisqu’il faudra attendre au moins cinq ans avant qu’une enquête soit finalement enclenchée par des instances supérieures menées entre autres par la détective Margaret Oliver (Lesley Sharp). Entre-temps, autant Amber qu’Holly ont donné naissance à deux petits poupons (les pères étant les agresseurs) et cette dernière risque de la perdre en raison de son penchant pour la boisson. Et ses nerfs ne sont pas près de s’apaiser à l’approche d’un procès qui connaît une médiatisation importante.

Three Girls (2017): Éviter de justesse le précipice

S’il y a une chose qui nous indigne au plus haut point du début à la fin de Three Girls,  c’est la façon dont en général les autorités ont traité le cas de ces trois jeunes filles comme s’il elles étaient responsables de ce qui leur est arrivé. C’est que la première fois qu’Holly a été interrogé par les autorités, ivre, elle avait cassé la vitre du magasin de son agresseur et c’est à ce moment qu’elle a décidé de déballer son sac. Qu’à cela ne tienne : pour la police, elle est responsable de ce qui leur arrive.  « These are streetwise girls » dit l’une alors que plus tard, une autre visite Holly et ses parents en s’adressant à elle en ces termes : « And about your lifestyle choice. (…)We’ve had information from Sexual Health that Holly has been working as a prostitute. » Le pire est qu’on enfonce le clou non seulement en les faisant témoigner plusieurs fois au cours des années, mais il y a aussi les avocats des douze accusés qui de manière abjecte tentent de les décrédibiliser par tous les moyens (encore plus troublant; les dialogues ne sont pas inventés, mais sont les transcriptions mêmes du procès).

Le pire dans toute cette histoire est qu’à aucun moment les autorités concernées ne semblent prendre en compte que toutes ces plaignantes étaient des mineures à l’époque. En effet, on se sent assez mal durant le premier épisode à voir Holly entrer malgré elle dans ce cercle si facilement en raison de son innocence. Comme elle l’affirme elle-même plus tard en cour : plus âgée, jamais elle ne se serait laissé piéger de la sorte. À cause de leur période de délinquance, l’un des arguments utilisés par la police pour rejeter leurs multiples plaintes est que seuls leurs témoignages ne feraient pas le poids devant un jury. La revanche du moins du côté du téléspectateur est douce puisque sans hésitation, les douze accusés ont tous été reconnus coupables des chefs retenus contre eux.

Three Girls (2017): Éviter de justesse le précipice

L’éléphant dans la pièce que l’on n’aborde pas

Si BBC l’avait désiré, Three Girls aurait pu porter un tout autre nom si on avait décidé d’attaquer ce drame de la ville de Rochdale sous un angle différent : celui du racisme. L’autre excuse pour laquelle la police n’a pas non plus voulu faire de vagues avec les plaines est l’origine ethnique des accusés. Jusqu’à un certain point, il faut leur donner raison puisqu’une fois l’affaire sortie dans les journaux, des manifestations anti-immigration se sont organisées devant le palais de justice. Même « Daddy » dans sa plaidoirie a joué la carte du racisme en affirmait que l’on s’acharnait systématiquement sur les siens. Des scènes abordant cette thématique se comptent sur les doigts d’une main au cours des trois épisodes. En premier lieu, on se demande s’il n’y a pas eu une sorte d’autocensure de la part du diffuseur public en raison des tensions actuelles entre les différentes communautés ethniques. Puis, on réalise que se concentrer sous cet angle aurait apporté un sensationnalisme qui aurait amené une importante et inutile rupture de ton avec ce que l’on voit à l’écran. On s’en est donc tenu à la ligne directrice qui était de souligner l’immense courage des victimes tout en soulevant le laxisme des policiers dans toute cette affaire. De toute façon, les crimes dépeints ici n’ont pas de couleur, pas de religion ni de langue particulière.

Un si bel hommage à ces jeunes filles méritait des cotes d’écouter à la hauteur et c’est ce qui s’est produit. 8,24 millions de téléspectateurs ont regardé le premier épisode en incluant les enregistrements. Ils étaient toujours 7,88 millions le lendemain et 8,19 encore présents pour la finale, le tout pour une moyenne de 8,10 ce qui est excellent et surtout bien mérité.

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