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Jean-Pierre Ostende, « Mais qui sont ces gens ? »

Par Obadia
Publié le par jpostende

« Ces deux décoiffés sont souvent anxieux et soucieux, lèvres basses, mais ils n’osent pas en parler et se confier de peur d’amplifier leur appréhension et de ne plus pouvoir avancer (clopiner serait plus exact) sans l’aide de béquilles chimiques fournies sur ordonnance, pour endormir le petit héros tragique, grincheux et tourmenté qui s’abrite et se niche en eux et s’installe de plus en plus confortablement dans un fauteuil, chacun en a un entre ses deux yeux, confortablement, comme un extraterrestre qui les guiderait et prendrait la place du capitaine, oui, parce qu’il y a, malheureusement, un confort tragique et parfois émouvant qui distille une espèce d’appréhension permanente, une crème douce, poignante, enrichie de plaintes grimpantes qui s’insinuent dans tous les recoins de la vie. Ils ont l’impression de vivre dans un souterrain qui ne les rassure pas complètement mais qui les protège à la façon d’un cocon d’épines. Le docteur leur a dit qu’ils avaient fait de leur névrose une protection, un appui et une nourriture, une couverture. Ils ont du mal à y croire. Ils ne l’ont pas bien pris.
La nuit souvent ils font, subissent, traversent des rêves gothiques, sombres, torturés, avec des chauve-souris, des corbeaux, de la musique d’Alice Cooper, de Marylin Manson, Southern Death Cult, Sisters of Mercy, Dead Can Dance, Play Dead et de la fumée à travers les forêts. Ce n’est plus de leur âge, disent les voisins. Les punks et les gothiques vieillissent mal mais les plus résistants d’entre eux vieillissent quand même et traversent la lente descente et les courbes glissantes. Mais qui vieillit bien ? Les discos ?
Ah ! Ah ! Ah ! Laissez-nous rire ! Mais vous les avez vus les vieux discos ? Le dance floor a ses revers et les machines à bulles et les boules à facettes ou les stroboscopes ne sont pas toujours les meilleures éclairages ni les moins pathétiques. Elles sont même déconseillées en luminothérapie.
Les vieux discos sont assez navrants selon l’observatoire scientifique de la musique populaire et de la danse en club.
Ces deux ébouriffés ont bien vu une partie de leur famille sombrer jambes flageolantes dans le disco pendant que les petits enfants écoutaient en boucle les dix meilleures chansons pour attendre le Père Noël.
Et pour quel résultat ? Avaler des paillettes ? Se tortiller dans des pantalons trop serrés ? Perdre leur perruque ?
Alterner les sommets et les gouffres ? Glisser vers l’euphorie et être aussi vite submergés de larmes ?
Toutefois, les Gothiques vieillissants ont du mal à se rapprocher de leur famille qui a sombré dans le disco.
Il n’y a pourtant rien de plus beau que la réconciliation. Ils le savent bien et les réunions aux alcooliques anonymes les ont aussi convaincus que la réconciliation était une grande chose, aussi belle que la substitution. Mais ceci est une autre histoire.
Alors, à la nuit tombée, ils se forcent un peu mais dodelinent avec les autres sur le YMCA de Village People. Ça leur fait mal quand même.
Il leur arrive même de reprendre quelques secondes Ouaillehèmesihé, de façon très ironique, comme s’ils étaient revenus dans une capsule au XXème siècle en se demandant mais qui sont ces gens, hein, qui sont ces gens, mais qui étaient-ils ? »


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