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Christine. Passion automobile

Par Balndorn
Christine. Passion automobile
Rouge flamboyant, peau chromée, carrosserie remise à neuf : Christine parade dans le garage. Face à elle, Arnie, jeune adolescent boutonneux qui a trouvé en elle la partenaire de ses rêves, la « seule qui a[it] jamais cru en (lui] », a le regard qui bave de désir. Sa compagne ? Une vieille automobile qu’il a retapée. Et qui, pour lui, commet des meurtres.Dans les ténèbres du garage, Christine se dévoile à son homme. Strip-teaseuse d’acier. « Show me ».
L’envers du mythe automobile
Avec Christine, John Carpenter s’attaque à l’un des piliers du cinéma américain : la bagnole. En la déconstruisant, il la révèle pour ce qu’elle est : une machine d’aliénation. La métamorphose d’Arnie (Keith Gordon), qui passe d’ado mal dans sa peau au rang de jeune homme arrogant, séducteur et terriblement pervers, se passe à l’intérieur de l’habitacle, démoniaque alambic des temps modernes. Car la voiture ramène l’homme à l’essentiel : ses instincts. Une fascination pour le primitivisme, déjà à l’œuvre dans New York 1997, qui conduit au meurtre avec l’automobile. En témoigne cette contre-plongée glaçante sur le visage d’Arnie, qui, isolé au sein de froids verts et rouges, débite sa conception brutale de l’existence à son meilleur ami Dennis (John Stockwell), horrifié. Carpenter prolonge au cinéma l’analyse de Roland Barthes dans ses Mythologies : la voiture (la Citroën DS chez Barthes) est une nouvelle « déesse ». Elle fait donc l’objet d’un culte au sein du monde moderne, dont la déchristianisation a refabriqué du sacré avec les nouveaux objets. La personnalisation de Christine domine donc le film : plans subjectifs, axe bas de la caméra qui fait émerger des formes anthropomorphes de la carrosserie… Nous sommes au royaume de l’inquiétante étrangeté freudienne. Car le monde moderne ne veut pas s’avouer les idoles qu’il a fabriquées, auxquelles pourtant il sacrifie quotidiennement.
Du réalisme fantastique
Si la fable a indéniablement un aspect fantastique, elle s’ancre pourtant dans un contexte social bien précis : une petite ville moyenne américaine. Avec l’histoire de cette voiture, Carpenter fait aussi l’histoire de cette Amérique qui a rêvé de gravir l’échelle sociale à grands coups d’automobile. De sorte qu’on pourrait parler de « réalisme fantastique » pour Christine.Les deux termes n’ont de contradictions qu’en apparences. Le réalisme de Christine se situe en effet dans l’exploration fantasmatique de la psyché américaine : donner vie à une voiture, très séduisante qui plus est, ne fait que poursuivre les fantasmes des innombrables publicités automobiles. Le geste est alors subversif, dans la mesure où il donne forme et corps aux tabous inconscients des images collectives. Révélant ainsi le caractère absurde d’une logique mercantiliste, qui a pour fonds de commerce la manipulation des désirs.C’est donc le hors-champ, espace fantasmatique de l’automobile, qu’investit Carpenter. Le « strip-tease » comme les différentes mises à mort se tiennent à l’écart du regard, comme pour inviter le spectateur à imaginer, à façonner de lui-même l’acte inimaginable d’une voiture soudainement devenue vivante.Avec Christine s’expose au grand jour le rôle structurel de la voiture aux États-Unis : un démon qui hante et hantera encore la société américaine, et son cinéma.Christine. Passion automobile
Christine, de John Carpenter, 1983Maxime

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