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Portrait officiel du maître des horloges

Publié le 30 juin 2017 par Sylvainrakotoarison

Exercice récurrent des nouveaux Présidents de la République...
Portrait officiel du maître des horloges
Il a fallu attendre quarante-six jours avant de connaître le portrait officiel du nouveau Président de la République Emmanuel Macron qui l'a publié ce jeudi 29 juin 2017 à 12 heures 38 sur son compte Twitter. Pour mémoire, Nicolas Sarkozy l'avait rendu public le 23 mai 2007 et François Hollande le 4 juin 2012.
Le portrait officiel du Président de la République est une représentation à la fois de la personne, mais aussi de la fonction présidentielle. Il est affiché dans toutes les mairies, les institutions, les ambassades, etc. et représente la souveraineté nationale, ou plus exactement, en représente l'incarnation.
Dès qu'elle a été connue, cette photographie a fait l'objet de nombreux pastiches et parodies sur Internet. J'en expose deux trouvés sur le net ( Emmanuel Hollande en photo et, profitant de la fenêtre ouverte, Jean-Vincent Placé cherchant à retrouver un ministère par tous les moyens), et un dernier que je propose très humblement, en fin d'article.
Portrait officiel du maître des horloges
La photographie a été réalisée par Soazig de La Moissonnière (35 ans), également l'auteure des photographies des affiches de la campagne présidentielle d'Emmanuel Macron et elle fut aussi la photographe officielle de François Bayrou lors de sa campagne présidentielle de 2012. Elle a été prise à partir d'un appareil Canon EOS 6D Mark IV le samedi 24 juin 2017 dans le Salon doré, le bureau de De Gaulle mais pas adopté par Emmanuel Macron. On ne peut pas dire qu'il n'y a pas eu le souci du détail puisque le presse-papier surmonté d'une petite statuette de coq posée sur le bureau se reflète opportunément sur l'un des deux smartphones (probablement des iPhone) posés également sur le bureau.
Cependant, je la trouve plutôt décevante. On imaginait l'incarnation d'un pouvoir régalien et on a l'impression d'une sorte d'étudiant brillant qui a réussi son examen. Ou plutôt, son concours. Il ne manquerait plus que la bouteille de champagne.
À sa décharge, il faut aussi admettre qu'il a voulu innover, et innover en la matière est très difficile. Le plus grand innovateur dans le genre, ce fut Valéry Giscard d'Estaing, photographie particulièrement ratée (malgré la valeur incontestable du photographe), puisqu'il n'y avait que le buste et un (mauvais) drapeau tricolore (mauvais car il a fallu rajouter artificiellement une couleur qui n'était pas parvenue jusqu'au cadre !).
L'autre innovateur, ce fut Jacques Chirac qui est sorti de ses salles dorées pour mettre un peu de verdure rassurante dans la composition. Cela lui a fait une petite allure de guide de musée fier de montrer son musée. François Hollande a adopté aussi l'allure champêtre, tandis que François Mitterrand et Nicolas Sarkozy ont préféré la traditionnelle pose devant les livres de la bibliothèque de l'Élysée, chacun avec ses innovations, François Mitterrand était resté assis (ouvrant un livre), et Nicolas Sarkozy avait installé les drapeaux, deux, le national et l'européen.
Fort de sa volonté de synthétiser tous les courants politiques et tous ses prédécesseurs, Emmanuel Macron a cherché donc une manière d'être à la fois dedans et dehors, à la fois debout et assis, à la fois chauvin et mondialiste...
Tout cela est bien compréhensible et largement respectable, même admirable. Néanmoins, il se dégage deux impressions assez désagréables.
La première sur le comportement : en s'appuyant légèrement sur le bureau, Emmanuel Macron semble manquer de respect à ses interlocuteurs, c'est-à-dire, à tous les Français. Il n'a pas une posture d'honneur et de dignité. Il s'est voulu décontracté, cool, jeune, mais cela fait un peu négligé (que n'est pas son costume) et donne le sentiment d'un peu de laisser-aller. Est-ce pour symboliser la génération Y, à la fois cool et clean ? Et pourquoi ne pas avoir mis ses mains dans les poches, tant qu'on y est ? En revanche, le rictus assez gêné du personnage dément la décontraction affichée.
On se souvient par exemple que lors d'une interview du Président François Mitterrand, le dimanche 28 avril 1985 sur TF1 ("Ca m'intéresse Monsieur le Président"), le journaliste Yves Mourousi avait scandalisé une grande partie des téléspectateurs en ayant posé son séant sur le bout du bureau présidentiel, montrant une décontraction qui était peu en rapport avec l'importance de la fonction présidentielle. À la limite de l'impolitesse.
Le modèle serait plutôt américain, avec le portrait officiel du Président Barack Obama.
Portrait officiel du maître des horloges
La seconde impression désagréable est esthétique. La composition de la photographie est trop lourde. Il y a une impression de surcharge pour en rajouter dans la symbolique et les clins d'œil. Les éléments se déchaînent, s'entrechoquent à l'œil. Le personnage semble étriqué, enfermé dans une case. Il y a les drapeaux qui viennent l'encadrer, l'oppresser, voire l'emprisonner, comme deux gros matons. Même le feuillage des arbres est trop lourd, on dirait presque une chevelure de clown à moitié chauve, la tête venant au point de perspective des arbres. L'éclairage aussi laisse à désirer, avec l'ombre très marquée du menton.
Portrait officiel du maître des horloges
À la fois dedans et dehors : Emmanuel Macron a astucieusement résolu le problème du choix entre Jacques Chirac et François Mitterrand. Il a choisi un bureau et a ouvert la fenêtre donnant sur le jardin. Ainsi, il est à l'intérieur mais on voit la verdure reposante. Le problème, c'est que la fenêtre ouverte vient surajouter une lourdeur bien inutile, d'autant plus qu'on déconseille généralement de mettre des verticales sur une photographie de personne, car cela casse le visage. Celui qui refusait de se ranger dans une étiquette existante du système politique, au point d'avoir créé un parti politique, est mis là dans une sorte de case dessinée par les battants de la fenêtre et le bureau.
Dans cette double approche audacieuse, il a ainsi réussi à mettre dans la composition à la fois les deux drapeaux et la verdure, ce qui n'était pas évident. Parmi les nombreux détails, on remarque évidemment les trois livres sur le bureau, "Le Rouge et le noir" de Stendhal, "Mémoires de guerre" de De Gaulle (c'est le livre qui est ouvert), et "Les Nourritures terrestres" du génial André Gide, dans leur collection "La Pléiade" de Gallimard, ainsi que la statuette de coq évoquée plus haut. On peut aussi s'étonner que le bureau est complètement vide, aucun dossier, aucun stylo, rien pour travailler, seulement ces quelques objets se voulant symbolique (ce bureau de style Louis-XV n'est pas le bureau présidentiel). Seuls deux smartphones donnent l'idée du travail présidentiel et donne la nature mondialiste et technologique du nouveau Président de la République. On peut aussi s'étonner de l'absence d'un livre de sa grand-mère ou d'un livre de Paul Ricœur.
Évidemment, tout le monde aura aperçu l'horloge qui est celle de la salle du conseil des ministres, un objet classique et traditionnel qui remet en mémoire la fameuse expression de "maître des horloges" qu'il revendiquait être dans sa campagne électorale.
Enfin, on peut aussi observer le ciel, un ciel nuageux (mais pas pluvieux), alors que la canicule récente aurait permis de prendre un ciel parfaitement bleu, celui du bleu optimiste que l'on peut voir également sur la cravate, tandis que la discrète légion d'honneur fait office de petite bouée rouge dans un tableau de Turner.
Portrait officiel du maître des horloges
Pour finir, je reviens sur la porte ouverte. On imagine sans mal la symbolique exprimée : le Président est ouvert sur le monde, sauf que dans le cas présent, l'ouverture est du côté jardin, dans l'entre-soi.
Bien sûr, toute photographie est critiquable, et sera critiquée notamment par les détracteurs du Président, c'est bien naturel. Il faut donc saluer l'audace d'une nouvelle composition, et exprimer le regret d'une décontraction à la limite du respect (un manque de solennité), et enfin, la joie de la confirmation de l'ancrage européen de la France (avant la campagne présidentielle de 2017, cette idée n'était pas gagnée d'avance).
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (29 juin 2017)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Portrait officiel du maître des horloges.
Portrait officiel de François Hollande.
Photographie officielle du Président Macron.
Photographie officielle du Président Sarkozy.
Louis Napoléon Bonaparte.
Adolphe Thiers.
Vincent Auriol.
René Coty.
Charles De Gaulle.
Georges Pompidou.
Valéry Giscard d'Estaing.
François Mitterrand.
Jacques Chirac.
Nicolas Sarkozy.
François Hollande.
Emmanuel Macron.
Portrait officiel du maître des horloges
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170629-photo-officielle-macron.html
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/portrait-officiel-du-maitre-des-194631
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/06/29/35433344.html


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