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L’insincérité des comptes publics de la gestion Hollande

Publié le 03 juillet 2017 par Sylvainrakotoarison

Le "professeur" Migaud a donné un blâme à la gestion Hollande : " Ce n'est pas la première fois que la Cour des Comptes ou son Premier Président observent des éléments d'insincérité dans la construction des prévisions de finances publiques. Elle l'a fait à plusieurs reprises, notamment dans le cadre de ses rapports sur l'exécution du budget de l'État. " (Didier Migaud, 29 juin 2017).
L’insincérité des comptes publics de la gestion Hollande
Peu de temps après son arrivée à Matignon, le Premier Ministre Édouard Philippe a commandé le 22 mai 2017 à la Cour des Comptes un audit des finances publiques. Cela devient presque rituel, lors de l'installation d'un nouveau quinquennat, de faire le bilan comptable du précédent et connaître les marges de manœuvre budgétaires et fiscales. Néanmoins, il aurait sans doute été rigoureusement pertinent qu'un tel audit-bilan fût réalisé avant l'élection présidentielle, et pas après, et que les candidats puissent le prendre en compte dans leurs (parfois folles) promesses.
Le Premier Président de la Cour des Comptes, le socialiste Didier Migaud, est donc venu remettre le rapport de cet audit au Premier Ministre Édouard Philippe à Matignon le jeudi 29 juin 2017 à 14 heures ( on peut télécharger le rapport ici). Et tout ce qu'on pourrait dire, c'est que la situation n'est pas très optimiste.
Les gouvernements précédents ont quasiment maquillé les comptes publics pour les embellir, et ce n'est pas étonnant puisque le ministre en charge de ce maquillage, le très hollandiste Michel Sapin (qui n'a même pas osé demander le quitus aux électeurs de sa circonscription en juin) est un homme habile et intelligent qui n'a jamais cessé d'utiliser ses compétences au service de sa mauvaise foi politicienne.
Il y a d'ailleurs un côté quasi-masochiste à vouloir faire un bilan négatif des finances publiques alors que le Président de la République Emmanuel Macron a été Ministre de l'Économie et des Finances pendant deux ans, d'août 2014 à août 2016, et que la situation financière de la France en juin 2017 est donc en grande partie la conséquence de son action. C'est l'actuel Ministre de l'Action et des Comptes publics, l'ancien député LR Gérald Darmanin, qui a fait la défense de son nouveau patron, sur deux points : d'une part, Emmanuel Macron a démissionné en août 2016 ; d'autre part, il n'était pas en charge du Budget et de la politique fiscale dont le responsable était Michel Sapin.
Parmi les éléments marquants de l'audit, on peut retenir trois enseignements.
1. La France est à la remorque de ses partenaires européens.
Si le déficit public français décroît depuis quelques années, cela se fait à un rythme très lent et beaucoup plus lent que dans les autres pays européens. Il était de 3,4% du PIB fin 2016 et il est à prévoir qu'il sera de 3,2% du PIB fin 2017 si aucune mesure de redressement n'est prise, loin des 2,7% affichés dans la loi de finances pour 2017.
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L'un des éléments clefs de ce déficit public reste les dépenses publiques : en France, elles ont continué à croître nettement plus que chez nos partenaires européens. Cela fait que le déficit français est parmi les plus élevés des pays européens. La France est une mauvaise élève, mais qui pouvait en douter après la Présidence de François Hollande ? Cet audit d'ailleurs doit encourager a posteriori la décision du groupe socialiste à voter contre la confiance du gouvernement (restons-en aux vieilles méthodes d'opposition systématique).
2. Le montant de la dette publique est cataclysmique.
En raison de la lenteur de la réduction du déficit et de la progression trop forte des dépenses publiques, la dette publique continue à progresser, à 96,3% du PIB fin 2016. Didier Migaud a été sans ambiguïté : " En définitive, la situation des finances publiques françaises est loin d'être assainie, en dépit des progrès réalisés. Elles continuent de présenter des facteurs de vulnérabilité importants, qui ne peuvent manquer d'interpeller les pouvoirs publics. ".
L’insincérité des comptes publics de la gestion Hollande
Alors que la dette publique est loin d'être stabilisée, même sa stabilisation laisse un gros facteur de risque pour les années à venir. Il faut impérativement la réduire ! Car la menace vient de ceci : la France a bénéficié, ces dernières années, de taux d'intérêt historiquement bas, au point que la charge de la dette a parfois été inférieure à précédemment malgré une dette supérieure. Or, tout montre que les taux vont remonter.
Le rapport de l'audit de la Cour des Comptes est assez clair à ce sujet : " En tout état de cause, l'écart entre les dettes publiques rapportées au PIB de la France et de l'Allemagne devrait continuer à se creuser entre 2017 et 2020. Dans un contexte de remontée générale des taux d'intérêt (...), l'accentuation de l'écart entre ma dette publique française et la dette publique allemande rapportées au PB pourrait entraîner un creusement de la prime de risque avec l'Allemagne. Il en résulterait alors une augmentation plus forte des taux d'intérêt français que celle justifiée par la seule remontée générale de l'inflation et le retour à une conjoncture normale en zone euro. ".
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Et le rapport de donner la mesure de la menace : " À titre d'illustration, une augmentation de 100 points de base de l'ensemble des taux d'intérêt à partir de 2018 conduirait à accroître de près de 0,2 points de PIB cette année-là la charge de la dette de l'ensemble des administrations publiques, cet impact montant progressivement en charge pour atteindre près de 0,3 point de PIB en 219, et se poursuivrait les années ultérieures jusqu'à ce que l'ensemble du stock de dette ait été renouvelé aux nouvelles conditions. ". Il faut considérer que 0,1% du PIB correspond à environ 2 milliards d'euros en 2017.
Le candidat François Fillon avait axé son projet présidentiel sur cette grande menace d'une charge de la dette en grande augmentation en cas de hausse des taux d'intérêt et de la nécessité de réduire drastiquement cette dette publique. Des taux élevés mettraient en cause l'indépendance de la France et sa souveraineté budgétaire. Loin de priver la France de sa souveraineté, les règles budgétaires strictes réclamées par l'Union Européenne (et votées notamment par la France) placent au contraire le pays dans le cadre de plus grande indépendance financière vis-à-vis de ses créanciers étrangers en réduisant les besoins de financement extérieur.
3. L'insincérité des comptes publics est une accusation grave.
La Cour des Comptes porte une accusation claire et grave contre la gestion des gouvernements précédents qui ont cherché à maquiller la réalité des finances publiques.
Didier Migaud a constaté ainsi : " Le rapport que nous présentons aujourd'hui met en effet en évidence les biais de construction que présentent ces textes et qui affectent la sincérité des prévisions. (...) En 2017, [l'écart] résulte quasi-exclusivement de sous-estimations des dépenses de l'État, qui se sont traduites par des sous-budgétisations importantes dès l'adoption de la loi de finances initiale, à un niveau supérieur à ce qui avait déjà été critiqué par la Cour dans ses rapports récents sur l'exécution de l'État. " et il a ajouté : " L'écart provient également, mais dans une moindre mesure, de reports de charges de l'année 2016 vers l'année 2017, d'aléas intervenus début 2017 et de mesures nouvelles annoncées depuis le vote de la loi de finances. ".
Les "mesures nouvelles" étaient des mesures électoralistes en vue de l'élection présidentielle pour aider le supposé candidat François Hollande qui, finalement, a renoncé à se présenter, ou alors le supposé candidat Manuel Valls qui a été rejeté lors de la primaire PS.
Le mot de Didier Migaud est très fort : "affectent la sincérité des prévisions", cela signifie que les pouvoirs publics précédents ont volontairement sous-évalué les dépenses de l'État. Encore plus sévère, il a souligné que cette insincérité n'est pas nouvelle et qu'il l'a déjà dénoncée dans ses rapports précédents sur la gestion de ce quinquennat. Manque de sincérité en récidive : la clique Hollande aura vraiment tout fait pour le désastre annoncé.
L’insincérité des comptes publics de la gestion Hollande
Concrètement, deux actes d'insincérité ont été répertoriés.
D'une part, les recettes ont été surévaluées de 2 milliards d'euros (notamment dans la régularisation des évadés fiscaux) : " Si une partie de cet écart entre les prévisions et la réalité peut s'expliquer par des données nouvelles intervenues en 2017, les trois quarts de la surévaluation ne reposent sur aucune justification technique. ". La phrase est là aussi très sévère sur la volonté délibérée de maquiller les comptes publics des gouvernements précédents.
D'autre part, les dépenses ont été sous-évaluées de 7,3 milliards d'euros (essentiellement dans l'agriculture, la défense, la solidarité et le travail) et il faut rajouter 2,3 milliards d'euros de recapitalisation de l'entreprise Areva. Cependant, certaines bonnes surprises devraient réduire les dépenses d'environ 2 à 3 milliards d'euros, ce qui fait que les dépenses de l'État pour 2017 seraient, selon l'audit, supérieures de 5,9 milliards d'euros aux prévisions affichées.
L’insincérité des comptes publics de la gestion Hollande
La conclusion sonne comme un couperet : " Au total, bien qu'il reste encore des incertitudes à cette période de l'année, nos analyses révèlent que la cible de solde public pour 2017 apparaît, à politiques constantes, hors d'atteinte. ". La cible, précisons-le, n'a pas été définie par la Cour des Comptes mais par le gouvernement français dans la loi de finances initiale, qui était de 2,7% du PIB fin 2017.
Il y aurait alors un dérapage du déficit public de 0,4% du PIB par rapport au programme de stabilité (qui a été transmis à la Commission Européenne en avril 2017) et de 0,5% du PIB par rapport à la loi de finances initiale : " Cela signifie concrètement que la France tend à s'écarter significativement de sa trajectoire. Face à cette situation, l'adoption de mesures de redressement est indispensable dès le second semestre 2017. ".
Une solution est proposée pour 2017 : " À ce stade de l'année, [les mesures à prendre] ne peuvent passer que par un report ou une annulation de toutes les mesures d'accroissement des dépenses publiques annoncées mais non encore mises en œuvre. ".
Une telle mesure a pour but de revenir d'urgence à l'objectif initial, mais sur du moyen terme (2018-2020), Didier Migaud a préconisé plus de marge de manœuvre budgétaire : " D'une manière générale (...), la modernisation de la gestion va de pair avec la responsabilisation des gestionnaires, qui repose sur l'octroi de véritables marges de manœuvre en contrepartie d'objectifs contractualisés. Faire confiance aux managers publics est en effet une condition sine qua non de réformes profondes, structurelles, et donc courageuses. Ce principe était déjà au cœur de l'esprit de la loi organique relatives aux lois de finances de 2001, et je ne peux que regretter qu'il soit, pour ainsi dire, resté lettre morte. ". Didier Migaud était, avec le sénateur centriste Alain Lambert, le coauteur de cette loi dite LOLF (loi organique n°2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances) qui a révolutionné les finances publiques (régies par une ordonnance de 1959) en y introduisant une culture de la performance et de la responsabilité, et en augmentant les pouvoirs du parlement lors de la procédure budgétaire.
L’insincérité des comptes publics de la gestion Hollande
Parmi les mesures préconisées par la Cour des Comptes pour rétablir l'équilibre budgétaire, on retrouve étrangement ...le programme de François Fillon : non-remplacement d'un fonctionnaire à la retraite sur deux, gel du point d'indice et gel d'échelon, augmentation de 1% du temps de travail, rétablissement d'un jour de carence en cas d'absence, suppression des avantages salariaux non justifiés, etc.
Enfin, Didier Migaud a donné la méthode pour atteindre l'assainissement financier : " Trois conditions doivent impérativement être réunies pour que nous réussissions : un effort de pédagogie collective sur la dépense publique, l'établissement de textes financiers sincères et à la portée renforcée, une implication et une responsabilisation de tous les acteurs. ".
L’insincérité des comptes publics de la gestion Hollande
En réaction à cet audit désastreux sur les finances publiques, le Premier Ministre Édouard Philippe n'a pas mâché ses mots : " Nous héritons donc d'un dérapage de plus de 8 milliards d'euros. C'est inacceptable. Je souhaiterais que les Français mesurent l'ampleur de ce dérapage. C'est comme si le gouvernement avait construit un budget en oubliant celui de la Justice. C'est presque trois fois le budget de la Culture. 8 milliards d'euros de promesses non financées. 8 milliards d'euros de chèques en bois. Ce constat sans appel vient s'ajouter à celui dressé par le Conseil d'orientation des retraites sur la situation dégradée de notre système de retraites qui nous était pourtant présenté comme équilibré. Tous ces artifices placent la France dans une situation de grande fragilité, y compris vis-à-vis de nos partenaires européens. ".
C'était évidemment une réaction facile et de bonne guerre, mais c'est peut-être aussi l'occasion d'une réelle prise de conscience au plus haut sommet de l'État. Édouard Philippe semble être le Premier Ministre qui affiche le plus de conviction à réduire vraiment le déficit public : " L'exercice de vérité mené par la Cour des Comptes va nous permettre de reconstruire un budget sérieux, crédible, sur des bases sincères. (...) Aujourd'hui, l'État dépense 20% de plus que ce qu'il perçoit. Ce qui ne serait admis d'aucune entreprise, ni d'aucun foyer, ni d'aucun autre État européen. (...) Notre dette publique a atteint un niveau record : 2 147 milliards d'euros, soit plus de 70 000 euros par personne qui travaille. (...) Nous n'avons pas le droit de faire cela à nos enfants. Il ne leur revient pas de payer cette note. Et ne nous y trompons pas, avec un tel niveau de dette, c'est aussi la souveraineté de notre pays qui est en jeu. ".
Le nouveau gouvernement entend ainsi rester sur un objectif de déficit public limité à 3% du PIB fin 2017, sans augmentation d'impôts, en prenant des mesures d'économies.
Les conclusions de cet audit mettent à mal les propos de François Hollande qui, avant de quitter l'Élysée, estimait qu'il avait assaini les finances publiques et qu'il avait laissé la France dans un meilleur état qu'en 2012. Il ne faudrait pas quérir l'avis de centaines de milliers de demandeurs d'emploi supplémentaires durant son quinquennat. La Cour des Comptes répond négativement en disant que les objectifs affichés sont de la foutaise et que les gouvernements sortants ont voulu juste donner une illusion de bonne gestion mais que celle-ci est loin d'avoir été saine et vertueuse avec 8 milliards d'euros non financés !
Je conviens bien que ce bilan apocalyptique des finances publiques arrive au bon moment pour le gouvernement : les cadeaux fiscaux ou salariaux seront remis à un peu plus tard pour réduire le déficit public.
Mais l'audit de la Cour des Comptes est un audit neutre et purement comptable (ni politique ni électoral). Il démontre que Nicolas Sarkozy a laissé la France en 2012 dans une situation financière nettement plus saine que François Hollande en 2017. Ce n'est pas un propos convenu ou partial, mais les conclusions des deux audits de la Cour des Comptes qui ont été menés par la même personne, Didier Migaud, dont on ne pourra pas évoquer une sorte d'antisocialisme puisque lui-même était député socialiste de Grenoble pendant de nombreuses années.
Le discours de politique générale d'Édouard Philippe devant les députés ce mardi 4 juillet 2017 apportera un début de réponse sur les mesures budgétaires concrètes que le gouvernement entend prendre pour reprendre le chemin de l'assainissement financier.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (03 juillet 2017)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Document : rapport de l'audit de la Cour des Comptes du 29 juin 2017 (à télécharger).
Édouard Philippe.
Didier Migaud.
Audit de la Cour des Comptes du quinquennat Hollande (29 juin 2017).
Audit de la Cour des Comtes du quinquennat Sarkozy (2 juillet 2012).
Un désastreux état des finances publiques en 2016.
L’insincérité des comptes publics de la gestion Hollande
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170629-deficit-public.html
http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/l-insincerite-des-comptes-publics-194686
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/07/03/35439411.html


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