Les gouvernements européens viennent d’adopter le 4 juillet dernier une définition commune des perturbateurs endocriniens qui traînait depuis décembre 2013.
Alors que Ségolène Royal avait bloqué ce texte aux garanties insuffisantes, un changement de pied de la France s'est produit et Nicolas Hulot a fini par se soumettre à la commission européenne…
Une « véritable politique européenne sur les perturbateurs endocriniens », « un grand succès » selon les mots du Commissaire européen à la santé et la sécurité alimentaire, Vytenis Andriukaitis, pour saluer l’adoption par les États européens d’une définition de ces substances reconnues dangereuses pour notre santé. Ce texte était présenté régulièrement depuis juin 2016 aux États européens, qui jusqu’à présent n’étaient pas assez nombreux à l’approuver pour qu’il soit adopté.
« Une fois appliqué, ce texte assurera que toute substance active utilisée dans les pesticides et identifiée comme perturbatrice endocrinienne pour les personnes ou les animaux peut être évaluée et retirée du marché », a poursuivi Vytenis Andriukaitis dans le communiqué de la Commission.
Mais ce n’est pas l’avis des ONG environnementales qui suivent ce dossier depuis longtemps, notamment Générations futures et une coalition de 70 ONG, EDC Free Europe. Elles jugent que cette définition présente deux défauts majeurs, qui risquent de limiter fortement le nombre de substances concernées :
- Le niveau de preuve demandé pour classer une substance comme perturbatrice endocrinienne est trop élevé, la majorité d’entre elles risquant ainsi d’échapper au classement.
- L’exemption accordée aux pesticides ayant pour mode d’action, justement, la perturbation endocrinienne. « C’est précisément cette disposition qui permettrait d’exclure le glyphosate de la liste des pesticides perturbateurs endocriniens », a estimé François Veillerette, porte-parole de Générations futures.
En décembre dernier, l’ex-ministre de l’Environnement Ségolène Royal avait pourtant jugé « inacceptable » la définition de la Commission. Le nouveau ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, au micro de Jean-Jacques Bourdin, avait indiqué fin juin qu’il ne « céderait rien sur ce sujet ».
En effet, les perturbateurs endocriniens agissent (à faible dose) en pénétrant les organismes via :
- les voies digestives par l'intermédiaire de la nourriture ou de l'eau de boisson, du mucus pulmonaire dégluti et éventuellement de médicaments ou topiques ingérés : maquillages, rouge ou baume à lèvres, dentifrices, rince-bouches, objets sucés tels que tétine ou jouets portés à la bouche, etc.
- les voies respiratoires en permettant à des poussières, micro- et nanoparticules inhalées de passer dans le sang ou la lymphe. Les molécules en cause proviennent de parfums, de peintures et matériaux synthétiques, détergents, solvants, etc.
- le passage percutané de certaines substances hydro ou surtout liposolubles à travers la barrière de la peau, notamment lorsqu’il s’agit de peau lésée. C'est le cas de médicaments, produits cosmétiques, mousses à raser, colorants pour les cheveux, et autre composants contenus dans certains savons, lotions, déodorants, lingettes nettoyantes, etc.
- le cordon ombilical ou le liquide amniotique, in utero.
Nicolas Hulot a expliqué son revirement dans une interview à Libération : « Jusqu’au bout, je n’étais pas du tout certain de voter le texte ». Pour le faire, « il y avait un certain nombre de conditions que j’ai obtenues, à l’exception d’une seule. » Il se félicite donc d’avoir fait " basculer dans le giron un certain nombre de substances qui, pour l’instant, en étaient tenues à l’écart ". Il admet n’avoir " pas eu gain de cause sur la levée de l’exemption de certains produits. "
Pourquoi le gouvernement d’Emmanuel Macron a-t-il lâché en échange de si peu ? « Je ne me l’explique pas, confie Corinne Lepage, pourtant soutien d’Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle. « J’avais déjà trouvé les réponses de Nicolas Hulot à Jean-Jacques Bourdin assez évasives sur ce sujet-là. »
Mais ce sont quelques mots glissés dans le communiqué français qui inquiètent le plus. Celui-ci met en avant des « mesures nationales » destinées à renforcer l’action sur les perturbateurs endocriniens en France. Il indique que « les ministres de la Transition écologique et solidaire, des Solidarités et de la Santé, et de l’Agriculture et de l’Alimentation, saisiront l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) pour mener une évaluation des risques des produits les plus utilisés contenant ces substances. »
« L’évaluation des risques, c’est exactement ce que veut l’industrie. Or, on avait obtenu avec le règlement européen de 2009 une possibilité d’interdire les perturbateurs endocriniens sur la base de leur dangerosité : si un produit est dangereux pour la santé, on ne le met pas sur le marché. Remplacer le danger par le risque, c’est une capitulation idéologique majeure », regrette encore le porte-parole de Générations Futures.
Ce texte approuvé doit désormais passer devant le Parlement Européen. Les ONG l’appellent à refuser cette définition des perturbateurs endocriniens mais l’espoir est mince de voir les députés européens se révolter contre un nouveau diktat de la commission européenne avec le soutien de l’Allemagne…
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