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Song to Song. Le piège du starocentrisme

Par Balndorn
Song to Song. Le piège du starocentrisme
Avec Malick, on connaît la chanson. Depuis The Tree of Life, le cinéaste américain multiplie les expériences de mise en scène et de montage de plus en plus audacieuses, et de plus en plus existentielles. Mais avec Song to Song, son cinéma semble atteindre ses limites. Casting de rêve, caméra de Lubezski hyper-sensible et très mobile, montage éclaté : la recette a beau vendre encore de la beauté, elle se montre, précisément, en tant que recette. Comme si Malick arrivait au bout d’un système, et qu’il était grand temps de franchir un nouveau cap.
Un film de stars
Le grand problème de Song to Song tient probablement dans son casting. Non qu’individuellement Michael Fassbender, Ryan Gosling, Rooney Mara et Natalie Portman – sans parler de tous les personnages secondaires aussi célèbres – jouent mal ; mais réunir en un même film un panel de stars tend à figer le jeu de chacune d’elles. Au lieu de se confronter à des acteurs nouveaux ou peu connus, ces comédien.nes rompu.es à l’exercice de la caméra stationnent en toute tranquillité dans leur zone de confort. De sorte que chacun.e joue un rôle archétypal : Fassbender le puissant orgueilleux, dans la lignée de Macbeth, Ryan Gosling le même personnage BCBG de La La Land, Rooney Mara et Natalie Portman des femmes en perdition – Portman n’ayant cependant pas la grâce élégiaque qui l’auréolait dans Jackie. Le même souci que Juste la fin du monde.La mise en scène aurait néanmoins pu se montrer critique à l’égard de ces rôles caricaturaux. Au lieu de cela, elle se contente de figer ces derniers dans une forme d’éternité dorée, à base de soleil texan et de musique pop. Le comble du comble se trouvant lors d’une séquence à la plage, où l’on contemple d’un œil mi-figue mi-raisin Fassbender poursuivre Mara en imitant un chimpanzé ; on croirait regarder Les vacances de Fassie à la plage.
La poésie en panne
Les castings étoilés n’avaient jusqu’alors jamais posé problème à Malick, car le cinéaste faisait jouer ses comédien.nes à contre-emploi. Sean Penn (The Tree of Life) et Christian Bale (Knight of Cups) ne jouaient ni Sean Penn, ni Christian Bale, mais des corps en perdition, de purs êtres qui erraient dans le monde ; désacralisés, déchus, un temps donné, de leur rang de stars – pour mieux faire montre de leur jeu –, ils portaient à travers eux la polyphonie sensorielle de la poésie de Malick. Sur le plan du montage, cela passait par la fragmentation des corps, rarement vus en entiers, et souvent entraperçus à travers des plans serrés sur des parties excentrées, ainsi que par une mise en circulation des figures au sein d’un plus vaste tourbillon d’images. Au sein de ce dernier se rencontraient, dans un montage résolument anti-narratif, des visages, des lueurs, des végétaux, de l’eau… tout un ensemble d’éléments arrachés à leur milieu d’origine et recomposés dans la grande alchimie cinématographique.Quelques échappées pareilles égrainent Song to Song. Et ces discrètes odes à la vie évitent au film de sombrer. Mais dans l’ensemble, elles se font plus rares, car l’alchimie poétique marque l’arrêt. Au lieu de fragmenter comme dans ses derniers films, Malick choisit de revenir à une forme plus pleine, où la narration se fait légèrement plus présente. Le film se focalise ainsi sur les visages des stars, systématiquement captés en gros plans ; le montage ne renvoyant plan après plan qu’à des figures vues et revues, se réduit l’ouverture poéthique au monde. On pourrait appeler ceci le « starocentrisme », soit la réduction de la richesse du monde à une poignée d’icônes contemporaines.Se révèle alors la structure du film : un simple cabotinage de stars, sous couvert d’une esthétique vaguement expérimentale.Song to Song. Le piège du starocentrisme
Song to Song, de Terrence Malick, 2017Maxime

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