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Millenium : les hommes qui n’aimaient pas les femmes. Les machines à fable ont-elles peur du noir ?

Par Balndorn
Millenium : les hommes qui n’aimaient pas les femmes. Les machines à fable ont-elles peur du noir ?
Avec l’adaptation de la saga Millenium de Stieg Larsson, David Fincher s’attaque à un genre qui colle à merveille à l’ambiance poisseuse de ses films : le roman noir scandinave. Et pourtant, aussi efficace soit son film, il demeure non seulement en-deçà de la noirceur du roman et de la version suédoise, mais également de sa propre filmographie. Deux univers trop proches auraient-ils du mal à coexister ?
Des machines à fable…
Millenium : les hommes qui n’aimaient pas les femmes met encore une fois en scène les machines à fable dont raffole Fincher. En tête de liste vient comme à son habitude la presse, ici représentée par le magazine d’investigation Millenium. S’y ajoutent les mises en abyme du roman, dont provient le film, et du cinéma. Autant de dispositifs narratifs suffisamment puissants pour faire ressortir du quotidien le plus ordinaire (l’éducateur spécialisé chargé de la tutelle de Lisbeth Salander) ou de la success story familiale (les Vanger) les histoires les plus sombres. Viols, meurtres, enlèvements, pédophilie troublent la surface lisse des institutions, et devant la paralysie de celle-ci, dont le procès remporté par un politicien véreux contre le journaliste Michael Blomkvist (Daniel Craig) marque l’apogée, seules ces machines « fouille-merde » semblent à même de lancer le processus judiciaire.La singularité de Millenium tient sans doute dans les rôles de femmes. En particulier celui de Lisbeth Salander, extraordinairement porté par Rooney Mara : à travers elle s’agite une émancipation féminine véhémente, en pleine contestation des cadres patriarcaux et des violences machistes quotidiennes et invisibles. Hormis cela, rien de bien neuf dans la filmographie de Fincher.
… qui limitent l’exploration psychosociale
Depuis L’Étrange histoire de Benjamin Button et plus encore depuis Zodiac, Fincher décortique méticuleusement la puissance et la limite des machines à fable, capables de révéler comme de tromper le public. Face à ces mastodontes de l’in-formation, le cinéaste a un regard critique, qui prend souvent la forme d’une mise en abyme, plus ou moins explicite.Mais à force de se pencher sur les rouages des dispositifs narratifs, Fincher fait passer au second plan la réalité sordide qu’il dépeint. Au fond, ces histoires horribles ne semblent constituer à ses yeux que les objets des machines à fable, et non des sujets intéressants en eux-mêmes. L’univers glauque à souhait de Stieg Larsson offrait pourtant un riche matériau pour ce cinéaste de l’exploration psychosociale, à condition que la forme s’abîme dans les bas-fonds. L’adaptation de Millenium aurait sans doute mieux convenu au premier Fincher, celui de Se7enet Fight Club, et non au second Fincher des années 2010.  On mesure tout le chemin parcouru par le réalisateur entre Se7en et Millenium. Si les deux films sondent les abysses de la morale, le traitement diffère radicalement. Dans Se7en, l’atmosphère sale et pluvieuse importe autant, sinon plus, que la narration : les effets de cadrage (fragmentation et décentrement des corps) et de mise en scène (omniprésence du clair-obscur) dilatent la linéarité du montage, et rendent sensible l’existence du Mal au quotidien. À l’inverse, Milleniumse nourrit des leçons de montage de Zodiacet The Social Network : avec des plans plus courts (alors que les films durent toujours plus longtemps) et des constructions en flash-backs ou en montage parallèle, le film gagne indéniablement en rythme et en efficacité strictement narrative.Aux dépens de l’exploration psychosociale. Car ce qui compte dans un bon thriller, n’est-ce pas la subversion des catégories morales, la perception renversée du monde social ? Toutes les enquêtes se ressemblent ; pas les immersions dans les ténèbres. Et si l’intrigue de Millenium est rondement menée, elle ne hante pas autant que Se7en.Millenium : les hommes qui n’aimaient pas les femmes. Les machines à fable ont-elles peur du noir ?
Millenium : les hommes qui n’aimaient pas les femmes, de David Fincher, 2011   Maxime

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