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Il y aura d’autres falaises où s’écorcher

Par Claude Le Goff

Rue Wellington, tu as éteint la lumière des lampadaires, et ce matin, l’aube ne s’est pas levée. Il me semble que la nuit n’a plus fini d’exister quelque part entre le bar et le parking, entre ton corps et la banquette de ma voiture. Le premier rayon a traversé le pare-brise sur la 220 quand tu m’as écrit pour savoir si j’étais bien rentrée.

Tu as éteint les lampadaires, et les étoiles aussi. Restent les lucioles qui brillent toujours dans la nuit de juillet. Les lucioles filantes que j’invente à travers les ciels depuis l’été de mes dix-neuf ans. C’est encore lui que j’espère à 11:11.

Dans tes bras, j’aurais pu l’oublier. J’aurais pu t’aimer, je pense. Je l’ai entendu dans le timbre de ta voix. Au fond, je l’ai toujours su à cause des kilomètres de forêts qui poussent dans nos paumes fermées. Ta prédisposition à l’impossible et l’imminence de ma fuite.

Montréal est toujours debout quand je me lève pour voir le soleil recracher ses couleurs sur cette ville grise que je hais. J’ai raté les aurores de près. Je suis toujours en retard pour ce genre de chose. En retard pour l’amour, aussi. À chercher le bleu partout où il n’est pas.

*

5h18. Ce matin, j’ai vu les premiers rayons percer la ouate des nuages et y mettre le feu pour mieux incendier le bleu du ciel. Le rose qui se perd en morceaux épars. J’aurais voulu être rouge aveuglant pour marquer mes courbes au fond de tes pupilles.

Pour nous, je voulais des trajectoires simples ou parallèles. Il ne reste de cette nuit que l’absence de lendemains qui roule au fond de ma gorge, le goût de cendres des histoires auxquelles on ne donne pas la chance d’être plus que la rencontre entre deux corps, poussière des si que je ravale à contre-courant.

J’espère qu’il reste un peu de moi sous tes ongles. Tu as gratté des blessures invisibles laissées par un autre. Archéologie de ma chair d’accidentée. J’ai des béances même pour les plus petits échecs. Ne t’en fais pas, je m’effrite pour un rien.

Nous avons hérité de petites tempêtes dans un verre d’eau. Je ne sais plus, à moitié vide ou à moitié plein. Peut-être une inondation née des pintes de bières enfilées la veille. Je me suis réveillée en sinistrée avec une impression de faute. Il n’y a pas de pilule pour ça.

© Roy Lichtenstein



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