Kermit Lynch. Mes aventure sur les routes du vin.
Caviste et distributeur californien, Kermit Lynch se rend très régulièrement en France pour s’approvisionner directement dans le vignoble. Il a consigné les plus belles étapes de ses pérégrinations
dans ce livre, devenu un classique de la littérature œnologique. Partant de la Loire et visitant les régions dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, il nous entraine dans un truculent tour
de France. Bien entendu, on y lira avec délice les commentaires de dégustation et les anecdotes croustillantes. Le véritable intérêt du livre n’est cependant pas là.
Outre ses voyages à travers les vignes et les caves, Kermit Lynch nous dévoile également son évolution dans la connaissance du vin. Contrairement à nombre de ses congénères, il sait faire preuve de
modestie et reconnaître ses erreurs et errements passés. Peu à peu son goût s’élève, délaissant ces vins « énormes », riches en alcool, écrasant leurs voisins dans les dégustations à l’aveugle
s’apparentant au speed-dating, pour se tourner vers des produits plus authentiques, bien que parfois un peu déroutants. Comme souvent, c’est une rencontre, ici avec un vigneron intègre,
qui lui a ouvert les yeux, ou plutôt le nez et le palais, ainsi que l’esprit. Kermit Lynch aborde ainsi la question de notre rapport au goût et du pouvoir du mainstreem, en une réflexion
bien plus profonde que celle promise par certain ouvrage récent sur une thématique proche.
Mais au cours de ses trois décennies de visites, il assiste aussi, témoin impuissant, à la disparition inexorable d’un monde, sous l’effet de l’arrivée dans les vignes et les chais d’une nouvelle
génération, plus avide de profits immédiats que de vins de qualité. Cette tendance semble très nette dans les années 70 et 80, provoquant chez lui coups de gueule et coups de griffes, avec un
franc-parler auquel nos chroniqueurs français ne nous habituent guère. Il semble fort heureusement que la plus récente génération de vignerons veuille à nouveau renverser la vapeur. Qu’elle
revienne à des méthodes de culture et de vinification plus respectueuses de la tradition, sans pour autant jeter tous les apports de la modernité avec le sucre de la chaptalisation.
Vous reste-t-il des doutes quant à l’intérêt de vous jeter sur ce recueil d’aventures ? Laissez-moi alors tenter de vous convaincre avec l’aide d’Hugh Johnson qui s’avoue « sidéré par son mélange
de poésie et de candeur », ou de Jim Harrison, grand amateur de vin et de littérature, pour qui « Mes aventures … » est le livre préféré sur le vin.
Kermit Lynch. Mes aventure sur les routes du vin. Préface de Jim Harrison. 324 pages. Payot. 2004. 20€. Il vient également d'être édité en poche, dans la "Petite
Bibliothèque Payot", à 9 €, raison de plus pour ne pas se priver du bonheur de sa lecture !
Ce livre est une réédition revue et augmentée de « Mes aventures dans le vignoble de France », sous-titré avec malice « Un Américain sachant cracher », paru en 1990 aux éditions Jacques
Legrant.