Les amateurs de vin savent aussi, pour une large part d’entre eux, apprécier d’autres alcools. Seule la bière, qui relève d’une culture très différente, semble un peu délaissée par les œnophiles. La brasserie Cantillon a-t-elle voulu réconcilier ces deux mondes avec sa « Vigneronne » ?
Il s’agit d’une cuvée 100 % lambic (en savoir plus sur le lambic). Le brasseur y a fait macérer des baies de muscat italien. Ce type de préparation peut se pratiquer avec d’autres fruits, notamment les cerises, pour la célèbre Kriek. Mais contrairement à cette dernière, la « Vigneronne » n’est pas d’un abord immédiatement plaisant. Sa robe orangée de mars surprend par sa densité et son caractère trouble, quelques bulles mousseuses y surnagent. A l’évidence, cette bière n’est pas ou peu filtrée, et va présenter de la matière. Le nez révèle des arômes fermentaires. La bouche offre une étonnante acidité, assez forte, presque citronnée, d’où se dégagent des accents de caramel salé, voire fumé, mâtinés de peaux et de pépins de raisin.
On est donc assez loin du « compromis délicat (sic) entre le vin et la bière » promis par la contre-étiquette. Et oui, car il s’agit ici d’un « vrai » lambic, qui plus est de deux ans d’âge, produit au travers de méthodes séculaires par une brasserie traditionnelle. Autant dire qu’on a affaire à des goûts auxquels nos palais ne sont plus guère habitués. Force est de constater que ce produit authentique, qui reste finalement très loin du vin, nous renvoie tout de même à ses représentations. Car ne se passe-t-il pas un peu la même chose pour ce dernier, où les goûts naturels, authentiques, réels, sont gommés par des méthodes dites modernes de culture et de production, destinées à élaborer des produits immédiatement plaisant au plus grand nombre ? Finalement, elle y arrive bien, cette « Vigneronne », à réconcilier ces deux mondes.