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Accès aux soins mortuaires pour les malades du SIDA : une décision juste … mais problématique

Publié le 24 juillet 2017 par Daniel Leprecheur

Cette mesure tant espérée constitue une avancée sans précédent dans l’évolution des droits des malades et de ce fait elle représente une reconnaissance sociale absolument nécessaire après tant de discriminations. Elle interroge néanmoins de multiples manières les mesures de sécurité à respecter dans le contingentement d’une épidémie qui n’en finit pas de faire des dégâts. Il est alors bon de rappeler certains points pour mieux comprendre ce débat particulièrement animé et ses enjeux.

Le SIDA : une maladie qui continue de tuer

Il importe de préciser certaines données. Les chiffres cités par ONU Sida parlent d’eux-mêmes :

  • en 2016, on dénombre une moyenne de 36,7 millions d’individus contaminés à la surface du globe
  • l’année dernière entre 1,6 million et 2,1 millions de personnes auraient été infectées sans forcément avoir été dépistées depuis.

Largement freinée, la contagion demeure une réalité qui touche homosexuels et hétérosexuels, hommes et femmes, jeunes et vieux, indifféremment. Malgré le traitement par trithérapie, auxquels du reste tous les patients n’ont pas accès notamment, dans les pays en voie de développement, on continue de mourir des conséquences du SIDA, principalement de tuberculose.

Les professionnels du funéraire sont donc amenés à prendre en charge des défunts qui sont peut-être touchés, sans même que la famille ou le médecin traitant en aient notion.

Aujourd’hui, à l’heure de la globalisation et des grandes transhumances humaines à l’échelle de la planète, un thanatopracteur peut avoir à gérer des corps infectés dans d’autres pays, sans qu’il y ait eu dépistage.

Thanatopracteur : profession à risques

Qu’on le veuille ou non, le professionnel funéraire est donc exposé. Transmis par le sperme ou le sang, le VIH menace les professionnels de santé, médecins, infirmiers, pompiers, chercheurs … bref tous ceux qui sont amenés à traiter les blessures ou pratiquer des analyses. Les thanatopracteurs et agents de chambre funéraire sont concernés au premier chef, puisque de par leur action, ils doivent :

  • vider les cadavres de leur sang pour y injecter des liquides de conservation
  • recoudre et camoufler coupures, escarres et autres éraflures qui les mettent forcément en contact avec le fluide vital
  • nettoyer ensuite l’ensemble du matériel et traiter les déchets.

Les mesures de précaution ont été largement renforcées en trente ans. Avec l’avancée des connaissances, la modification des lois, le métier a été de plus en plus encadré. Les associations LGBT ont notamment influé au niveau légal, par exemple sur le décret du 11 mai 2017 qui redéfinit les conditions d’intervention des professionnels du milieu quant aux impératifs d’hygiène, dans les chambres funéraires, le mode d’action au domicile, l’information des familles … il a ainsi été décrété la vaccination obligatoire des personnels contre l’hépatite B.

  • Le problème est que la vaccination contre le SIDA n’existe toujours pas, et que le thanatopracteur peut contracter la maladie par simple projection de sang sur les yeux, une plaie … il peut aussi se blesser avec un scalpel, une seringue souillée. Comment alors se protéger efficacement ?
  • Le décret officialisé le 12 juillet 2017 exfiltre de la liste des maladies à risques le VIH et le VHC ; restent la rage, le choléra, la peste, les fièvres hémorragiques, la maladie de Creutzfeld-Jakob, les états sceptiques graves qui impliquent une mise en bière anticipée sur ordre du médecin. Que se passera-t-il si d’autres associations réclament elles aussi que ces pathologies soient ôtées de la liste ?

Quelles mesures de prévention adopter ?

A peine le décret officialisé, Cedric Ivanes, président du Syndicat Professionnel des Thanatopracteurs Indépendants et Salariés, a exprimé sa volonté de porter le dossier devant les instances européennes. Si les associations LGBT soulignent n’avoir jamais eu connaissance d’un seul cas de contamination dans ce secteur professionnel, lui s’appuie sur un rapport de l’Inspection Générale des Affaires Sociales qui évalue le risque de contagion à 8 sur 10 pour les thanatopracteurs.

Il cite par ailleurs des cas de contamination référencées aux USA pour légitimer son action, s’étonnant également qu’au fil du temps les représentants de l’associatif n’aient jamais travaillé en concertation avec les délégués du secteur funéraire pour trouver des solutions de concert. Il avance enfin que si les salariés du milieu pourront refuser ce type d’intervention, les indépendants y seront astreints.

Bref le risque de transmission est encore bien présent dans les esprits et appelle des solutions en amont. Elles sont nombreuses mais posent question quant aux impératifs qu’elles représentent et au coût qu’elles impliquent :

  • Les professionnels peuvent bien évidemment pratiquer à titre préventif des tests récurrents pour déceler une éventuelle contamination. Ils peuvent aussi en cas d’accident recourir au TPE ou Traitement Post Exposition, qui doit être entamé deux jours maximum après la prise de risque et dure un mois. Reste aussi l’option de la PrEP ou prophylaxie pré-exposition qui anticipe la menace de contamination. Précisons cependant que ces protocoles sont médicalement lourds, physiquement contraignants, relativement onéreux… bref si cela permet de se prémunir en cas de problème, ce n’est guère une option viable au quotidien ni dans un cadre professionnel.
  • Il s’agit alors avant tout d’informer les familles sur les différentes options possibles en dehors d’un geste invasif comme les soins de préservation. Toilette simple du corps, maquillage, exposition en milieu réfrigéré, les parades ne manquent pas pour permettre une présentation du défunt et un dernier hommage qui réduisent les risques d’infection et soient néanmoins satisfaisants pour les différentes parties en présence.

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